AEX
5.1700
La situation restait tendue mercredi en Equateur où le président conservateur Guillermo Lasso a échappé à la destitution et suspendu le dialogue avec la contestation indigène contre la vie chère qui paralyse le pays depuis le 13 juin.
"Nous avons défendu la démocratie et maintenant nous devons retrouver la paix", a lancé M. Lasso mardi soir après le rejet par le Parlement d'une motion de destitution.
"Malgré les intentions putschistes, les institutions du pays ont prévalu aujourd'hui", a-t-il poursuivi. "Il est apparu très clairement qui travaille pour les mafias. Pendant ce temps, nous continuons à travailler pour l'Equateur".
La motion, discutée depuis samedi à l'initiative du parti de l'ex-président socialiste Rafael Correa (2007-2017) et qui n'a réuni que 80 voix sur les 92 nécessaires, rendait M. Lasso responsable de la crise. Premier président de droite en Equateur depuis 14 ans, cet ex-banquier âgé de 66 ans a pris en mai 2021 ses fonctions.
Quelques heures avant le vote, M. Lasso avait suspendu le dialogue initié lundi avec des représentants indigènes dont Leonidas Iza, chef de la puissante Confédération des nationalités indigènes (Conaie, fer de lance des manifestations), après une attaque de militaires la nuit précédente en Amazonie. Un soldat a été tué et sept autres blessés ainsi que cinq policiers dans cette attaque attribuée à des manifestants par les autorités.
- "Intérêts politiques" -
"Nous ne nous assiérons pas à nouveau pour dialoguer avec Leonidas Iza qui ne défend que ses intérêts politiques et non ceux de sa base", avait-il déclaré, dénonçant une "attaque criminelle".
Il avait également posé comme condition à une reprise du dialogue la présence de "représentants légitimes de tous les peuples et de toutes les nationalités de l'Equateur, qui cherchent de vraies solutions et sont ouverts à un dialogue réel et franc".
La Conaie avait immédiatement réagi en accusant le gouvernement d"autoritarisme" et de "manque de volonté".
"Nous tenons Guillermo Lasso pour responsable des conséquences de sa politique belliciste (...) Lasso ne rompt pas avec Léonidas, il rompt avec le peuple", a tonné l'organisation sur Twitter.
"Nous sommes actuellement dans une impasse dans ce processus de dialogue, mais nous laissons la porte ouverte", a déclaré mardi M. Iza face à plusieurs dizaines de ses partisans devant la basilique catholique du Voeu national à Quito où s'étaient déroulés la veille les pourparlers. "Nous voulons la paix! Restez unis, (...) ne menez pas d'actions".
Six personnes, cinq manifestants et un soldat, ont été tuées depuis le début des manifestations qui entrent mercredi dans leur 17ème jour. Plus de 500 personnes, civils ou membres des forces de sécurité, ont été blessées, avec quelque 150 arrestations, selon des observateurs.
- "Déstabilisation" -
Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA, basée à Washington), Luis Almagro, a tweeté que "la contestation doit être pacifique et démocratique", ajoutant: "la déstabilisation violente d'un gouvernement démocratique est toujours condamnable".
Durant la nuit de mardi à mercredi, des heurts ont opposé des manifestants aux forces de l'ordre au nord de Quito où deux postes de police ont été incendiés. Le ministre de l'Intérieur Patricio Carrillo a dénoncé sur Twitter "l'irrationalité" de la contestation, assurant: "l'Equateur a besoin de paix".
Quito, où sont rassemblés une dizaine de milliers de manifestants indigènes, sur les 14.000 dans l'ensemble du pays selon la police, est au coeur de la mobilisation. Des contre-manifestations pro-gouvernementales s'y déroulent également.
Les manifestants réclament notamment une baisse du prix des carburants. En signe de bonne volonté, le gouvernement avait annoncé dimanche une réduction de 10 cents de dollar pour l'essence et le diesel, inférieure toutefois aux revendications de la Conaie.
Le gouvernement avait aussi mis fin samedi à l'état d'urgence décrété une semaine auparavant dans six des 24 provinces.
La contestation pèse sur l'économie du pays, en particulier l'extraction pétrolière. Des mobilisations passées du mouvement indigène ont provoqué la chute de trois présidents entre 1997 et 2005. Les indigènes comptent pour plus d'un million des 17,7 millions d'habitants du pays.
D.Al-Nuaimi--DT