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Les représentants des manifestants indigènes, dans la rue depuis quinze jours en Equateur pour protester contre la cherté de la vie, ont repris lundi le dialogue initié samedi avec le gouvernement, après avoir annoncé la poursuite de la mobilisation et avoir jugé "insuffisante" une première offre de baisse du prix du carburant.
Au début de la réunion diffusée sur les réseaux sociaux, Leonidas Iza --leader de la puissante Confédération des nationalités indigènes (Conaie), fer de lance des manifestations-- a appelé le gouvernement à mener "une politique qui puisse bénéficier davantage aux pauvres".
Lors de la première rencontre samedi, déjà avec le ministre des Affaires gouvernementales Francisco Jiménez, la Conaie s'était seulement engagée à consulter sa base pour désigner une commission représentative.
Le président d'Equateur Guillermo Lasso, qui était positif au Covid-19 la semaine dernière, n'a assisté à aucune des deux réunions.
Il a annoncé dimanche soir à la télévision une réduction du prix de l'essence de 10 cents (de dollar) par gallon (3,78 litres) et du prix du diesel également de 10 cents par gallon.
Le prix des carburants constitue la principale revendication des manifestants, avec un moratoire d'un an sur le paiement des dettes bancaires des paysans.
"Cette décision est insuffisante", a réagi lundi la Conaie dans un communiqué, jugeant l'offre "pas à la hauteur de la situation de pauvreté à laquelle sont confrontées des millions de familles". Pour la Conaie, la "lutte ne cesse pas (...) et la protestation continue".
Ces baisses du carburant --qui porteraient le prix du diesel à 1,80 dollar (1,7 euro) et de l'essence à 2,45 dollars (2,30 euros)-- sont en-dessous de celles réclamées par des milliers d'indigènes mobilisés depuis le 13 juin.
La Conaie exige des baisses de -30 et -35 cents, à respectivement 1,50 et 2,10 dollars. En moins d'un an, le diesel a grimpé de 90% et l'essence de 46%.
En signe de volonté d'ouverture, le président équatorien a mis fin samedi à l'état d'urgence décrété une semaine auparavant dans six des 24 provinces du pays les plus touchées par les manifestations, une condition des protestataires pour entamer les pourparlers.
Il a renouvelé dimanche soir son appel au "dialogue", avertissant toutefois "ceux qui cherchent le chaos, la violence et le terrorisme (qu'ils) trouveront la pleine force de la loi".
Vendredi, il avait accusé les manifestants de vouloir "perpétrer un coup d'Etat".
- "Niveau critique" -
Quito, où sont rassemblés quelque 10.000 manifestants indigènes selon la police sur quelque 14.000 estimés dans le pays, est au coeur du mouvement qui touche 19 des 24 provinces du pays.
Cinq manifestants sont morts dans des violences avec les forces de l'ordre dans le pays, selon une ONG. Plus de 500 personnes, civils ou membres des forces de l'ordre, ont été blessées.
La crise frappe l'économie du pays déjà affectée par la pandémie et étroitement dépendante des recettes du pétrole, premier produit d'exportation.
Les barrages routiers qui paralysent les échanges et la mise à l'arrêt forcée de plus de 1.000 puits de pétrole notamment dans les provinces amazoniennes pourrait, selon le gouvernement, entraîner un arrêt total de production d'or noir dans les prochaines heures.
"La production de pétrole est à un niveau critique" et pourrait cesser si la situation perdure, a averti dimanche le ministère de l'Energie.
La production, réduite selon lui à 50% de la normale, était d'environ 520.000 barils/jour avant les manifestations.
Le ministre de la Production Julio José Prado a évalué les pertes économiques à 500 millions de dollars au total (473,5 millions d'euros).
- Procédure de destitution -
Sous pression des manifestants d'un côté, le président Lasso, un ancien banquier au pouvoir depuis mai 2021, est également menacé de destitution par le Parlement.
L'opposition parlementaire --majoritaire mais divisée-- le rend responsable de la "grave crise politique" qui secoue le pays.
Tard dimanche soir, les parlementaires ont à nouveau suspendu, après sept heures de discussions par téléconférence, leur débat ouvert samedi sur une éventuelle destitution. Ils doivent le poursuivre mardi à partir de 11H00 (16H00 GMT).
Après les débats, les députés auront 72 heures pour voter. Une majorité de 92 voix sur 137 est nécessaire pour que la procédure de destitution soit adoptée.
Des mobilisations du mouvement indigène ont provoqué la chute de trois présidents entre 1997 et 2005.
I.Mansoor--DT