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Tous les jours, à l'hôpital de Verdun, le docteur Cornu vérifie les données envoyées via les bracelets connectés de ses patients Covid, rentrés chez eux: ici, comme pour de nombreuses applications, la santé numérique est déjà une réalité.
Ce bracelet - développé par la start-up Biosency - indique diverses données de santé à l'équipe soignante, dont le taux de saturation en oxygène, une information essentielle chez les patients du Covid qui sont encore placés sous oxygénothérapie.
"Plutôt que de garder les patients longtemps hospitalisés, on peut les suivre à domicile", souligne le pneumologue Jean-Claude Cornu, qui participait déjà à un essai avec cette start-up dans le domaine de la BPCO, une maladie respiratoire chronique. "Ce système présente un intérêt essentiel quand on a un service bondé".
Jusqu'à la pandémie, la santé connectée n'était qu'un concept relativement vague pour le grand public. Mais le Covid a changé la donne, et consulter un médecin situé parfois à l'autre bout de la France est devenu une pratique plus courante.
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Covidom, application en ligne, a permis de suivre à domicile des dizaines de milliers de patients porteurs du Covid-19. Sans oublier la plateforme gouvernementale Sidep, qui permet d'obtenir les résultats des tests de dépistage Covid en ligne, rappelle William Rolland, spécialiste e-santé pour le Snitem, le syndical professionnel du secteur du dispositif médical.
"Le Sidep a été réalisé en six mois. La crise a été un accélérateur", dit-il, estimant que la France a rattrapé son retard en matière de santé numérique.
Depuis une dizaine d'années, l'émergence des nouvelles technologies a permis le développement de centaines de start-ups de santé à travers le monde. Que ce soit pour du télésuivi, de la téléconsultation, sans oublier l'immense champ de l'intelligence artificielle, qui aide déjà au développement des médicaments du futur. Au point que le gouvernement en a fait une priorité, annonçant en octobre 650 millions d'euros d'investissements dans une stratégie d'accélération du numérique.
Par ailleurs, Mon espace santé, sorte de carnet de santé numérique, verra officiellement le jour jeudi.
- Marché gigantesque -
Le marché est énorme. Selon une étude du cabinet Frost & Sullivan, il pourrait atteindre 235 milliards de dollars en 2023. Pour la France, une étude du cabinet McKinsey a estimé que le potentiel de création de valeur pourrait atteindre 22 milliards d'euros par an.
De quoi attiser les appétits des mastodontes: Apple s'est lancé il y a des années, notamment via son Apple watch. Amazon n'est pas en reste, avec une filiale de téléconsultation, tandis qu'Alphabet, maison mère de Google, développe Verily, une filiale des sciences de la vie.
En France, cette évolution est désormais inscrite dans la loi: depuis le 1er janvier, la télésurveillance est remboursée par la Sécurité sociale.
"Il y a des acheteurs industriels, les hôpitaux ont besoin de ce type de solutions, et les agences réglementaires sont prêtes à poser des référentiels rapidement pour qu'il n'y ait pas de perte de temps. On sent que la France se met dans ce mouvement", observe Chahra Louafi, directrice d'investissement spécialisée dans la santé pour Bpifrance.
Mais encore faut-il avoir des soignants pour analyser les données. "On a eu de la chance d'avoir une infirmière chargée de ce poste, avec le soutien de l'Agence régionale de santé", reconnaît le docteur Cornu, depuis l'hôpital de Verdun.
Surtout, la question de la confidentialité est essentielle. Comment être sûr que ces données restent sécurisées ? Il existe en France et en Europe plusieurs dispositions légales, explique à l'AFP Laurence Huin, avocate en santé numérique au cabinet Houdart & associés. Que ce soit via le règlement européen sur la protection des données RGPD, la loi Informatique et Libertés de 1978, ou le code de la santé publique.
"Les règles sont là, mais se pose l'enjeu de la lisibilité par tous des mentions d'information", souligne-t-elle toutefois.
Sans oublier que si l'hébergement des données de santé est étroitement encadré, une société hébergeuse certifiée peut néanmoins être soumise à des lois extraterritoriales, ajoute Me Huin.
En France, le "Health data hub", le gigantesque entrepôt de données de santé constitué à des fins de recherche médicale, a été très critiqué sur ce point, car l'hébergeur n'est autre que Microsoft. Le gouvernement s'est engagé à ce que la plateforme revienne chez un fournisseur cloud européen.
G.Mukherjee--DT