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Dans les laboratoires de recherche de Thales à Palaiseau, près de Paris, où avait travaillé le prix Nobel de physique Albert Fert, des ingénieurs conçoivent des technologies de défense ultraperformantes. Dont certaines s'inspirent de l'aile de papillon ou du cerveau humain.
Les systèmes de surveillance, de détection de cibles et les visières de soldats rencontrent un problème récurrent: l'image se brouille dès que le capteur optique est en contact avec l'humidité. Une solution pour y remédier, c'est de reproduire une surface similaire à l'aile d'un papillon du Brésil, translucide et hydrophobe, ou celle d'une feuille de lotus.
Dans ce labo, on rajoute une nanostructure avec des formes pointues qui permettent d'obtenir la propriété de super hydrophobie pour faire rebondir l'eau de la surface.
Une innovation par "biomimétisme" dont les militaires qui sont toujours équipés d'essuie-glaces "encombrants, qui ne nettoient pas bien et tombent en panne" seront les premiers à profiter dans quelques années, explique à l'AFP Raphaël Guillemet, ingénieur de recherche chez Thales.
- Technologies "souveraines" -
Après eux, les civils la retrouveront un jour dans leurs lunettes ou dans les caméras des voitures autonomes.
Groupe de haute technologie spécialisé dans la défense, l'aérospatial et la cybersécurité, Thales se vante d'investir quelque 4 milliards d'euros par an en recherche et développement, soit près de 20% de son chiffre d'affaires.
"On opère dans les domaines critiques et on doit maîtriser les technologies souveraines", souligne Bernhard Quendt, directeur technique de Thales.
"On ne peut pas demander à Google de nous faire de l'intelligence artificielle", explique à l'AFP Philippe Keryer, directeur stratégie, recherche et technologies.
L'IA utilisée à des fins militaires est développée à partir d'une base de données restreinte au domaine de la défense et se voit fixer des règles sur les garde-fous à ne pas dépasser.
Au laboratoire Albert Fert, nommé en honneur du physicien aujourd'hui octogénaire, qui y a toujours ses entrées, on réfléchit à comment produire de l'intelligence artificielle à moindre coût énergétique. Pour ceci, on conçoit un ordinateur inspiré du cerveau.
"Si on regarde le budget énergétique" de la première version de ChatGPT, la technologie d'OpenAI, "c'est 200.000 kWh, soit ce que le cerveau utiliserait pour apprendre pendant 1.000 ans", raconte Frank Mizrahi, chercheur du laboratoire.
"On va fabriquer un réseau de nanoneurones artificiels qui seront connectés entre eux avec des signaux radiofréquences", ces ondes qui oscillent dans le spectre électromagnétique, explique-t-il.
Le processus imite les connexions de neurones dans le cerveau tout en étant un million de fois plus rapide.
- "Success story" des Rafale -
Les propriétés des composants utilisés pour ce futur ordinateur sont très proches de celles décrites par Albert Fert, co-prix Nobel de physique en 2007 pour la découverte de la magnétorésistance géante (GMR), une avancée majeure pour les progrès en informatique.
La recherche sur les composants se poursuit dans le laboratoire voisin, avec des machines aux airs de science-fiction et des techniciens portant des protections des pieds à la tête.
Ce laboratoire "fait partie de la success story des Rafale", avions de chasse de Dassault qui détient 26% de Thales, souligne Philippe Keryer.
Il a été créé il y a 20 ans pour rattraper les avancées des Américains qui disposaient les premiers d'un radar AESA à antenne active. Le radar français multimission capable à la fois de guider un missile, de protéger l'avion et de surveiller un appareil ennemi a été mis en place sur ce site qui travaille sur une nouvelle génération de ces engins.
La conception de l'antenne quantique à base de supraconducteurs se déroule dans la pièce à côté.
"Quand on refroidit un matériau supraconducteur, il rentre dans un état quantique et les électrons peuvent circuler sans résistance électrique", explique le chercheur Juan Trastoy.
Il fait l'analogie avec la "ola", qui traverse un stade sans résistance, ce que les spectateurs ne peuvent pas faire individuellement.
Cette technologie permettra de miniaturiser l'antenne des futurs systèmes d'écoute des guerres électroniques, quand les antennes classiques sont extrêmement longues, proportionnelles à la longueur d'onde qu'on veut capter.
"On pourra remplacer toutes ces centaines de mètres par un machin comme ça", dit Juan Trastoy en désignant une maquette d'une quinzaine de centimètres de haut.
Ce qui rendra possible d'en équiper les drones, appareils clé utilisés dans les conflits en cours, conclut-il.
K.Al-Zaabi--DT