AEX
-11.9800
Le gouvernement italien de Giorgia Meloni alliant la droite et l'extrême droite a adopté lundi un décret visant à contourner l'opposition des tribunaux à un accord sur les migrants conclu avec l'Albanie.
Mme Meloni a accusé de parti pris politique les juges du tribunal de Rome ayant décidé vendredi que les 12 premiers migrants originaires d'Egypte et du Bangladesh envoyés en Albanie devaient être reconduits en Italie. Un camouflet pour la dirigeante d'extrême droite qui entend donner son plan en "exemple" à l'Europe.
Le décret adopté lundi soir en Conseil des ministres vise à contourner cet obstacle juridique en inscrivant dans la loi 19 pays considérés comme "sûrs" par le gouvernement. Ce qui signifie que Rome pourrait traiter en procédure accélérée depuis l'Albanie les demandes d'asile de migrants originaires de ces pays, avec à la clé une probable expulsion.
Le gouvernement a toutefois exclu trois pays parmi les 22 de la liste précédente - le Cameroun, la Colombie et le Nigeria - afin de se conformer à la récente décision de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), a précisé le ministre de l'Intérieur Matteo Piantedosi lors d'une conférence de presse.
Alors que le droit européen prime sur le droit national, les juges italiens ont invoqué cette décision stipulant que les Etats membres ne peuvent désigner comme "sûrs" que des pays entiers, et non certaines régions de ces pays.
Toutefois, la nouvelle liste établie par l'Italie, qui a vocation a être mise à jour annuellement, comprend toujours le Bangladesh, la Tunisie et l'Egypte même si les demandeurs d'asile peuvent toujours faire valoir leur situation personnelle.
De son côté, le ministre de la Justice Carlo Nordio a dénoncé "un arrêt de la Cour de Justice européenne qui est très complexe, très détaillé et qui n’a probablement pas été bien compris ni bien lu".
"Je ne pense pas qu'il revienne aux juges de dire quels pays sont sûrs, mais au gouvernement", avait fustigé vendredi Mme Meloni.
- Tensions avec les juges -
Le décret ministériel, dont l'entrée en vigueur est immédiate, vise "une accélération de la procédure, à garantir que le recours à la demande de protection ne soit pas largement exploité pour échapper à la justice", a déclaré M. Piantedosi.
Avant la publication du décret, Me Guido Savio, avocat spécialisé dans l'immigration, a déclaré à l'AFP que cette modification législative risquait de poser de nouvelles questions juridiques.
L'Italie est en première ligne face aux arrivées de migrants traversant la Méditerranée depuis les côtes nord-africaines.
Mme Meloni, élue en 2022, avait promis d'arrêter les débarquements de migrants, d'accélérer les rapatriements et de contraindre ses voisins européens à davantage aider la péninsule.
Le gouvernement s'est déjà heurté à la justice lorsqu'il a voulu s'opposer au sauvetage de migrants en mer par des ONG.
La tension est montée d'un cran dimanche quand Mme Meloni a divulgué sur les réseaux sociaux des extraits du courrier d'un juge du parquet à une association de magistrats.
Celui-ci met en garde contre Meloni, "plus forte et plus dangereuse" que l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi.
"Nous devons y remédier", affirme le juge Marco Patarnello dans ce courrier interne, preuve selon Mme Meloni que les juges agissent contre son gouvernement.
L'opposition italienne a dénoncé la publication tronquée de cet extrait et souligné que Mme Meloni n'avait pas publié le reste du texte, où le juge ajoute: "Nous ne devons pas faire de l'opposition politique, mais nous devons défendre les tribunaux et le droit des citoyens à une justice indépendante".
Au sein de l'Union européenne, chaque Etat membre est responsable de l'élaboration d'une éventuelle liste de pays dits "sûrs", même si l'UE se penche sur l'élaboration d'une liste à l'échelle communautaire.
F.El-Yamahy--DT