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Fiscalité collective ou punitive ? Les élus de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) votent lundi pour ou contre l'instauration d'une taxe poids lourds qui vise à diminuer la pollution et le trafic autoroutier mais qui hérisse les acteurs économiques régionaux.
La CEA, né en 2021 de la fusion des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, et qui a récupéré à cette occasion la gestion des routes et autoroutes non concédées sur son territoire, veut imposer à partir de 2027 une taxe, baptisée "R-Pass", de 0,15 euro par kilomètre pour les camions de plus de 3,5 tonnes circulant sur l'axe nord-sud (A35 et A36) et sur deux autres routes reliant cet axe à l'Allemagne.
La collectivité cherche ainsi à améliorer "la fluidité et la sécurité" de la circulation, à réduire "la pollution atmosphérique et sonore", à limiter la dégradation des routes et à "rééquilibrer le trafic de transit entre l'Allemagne et la France".
Car de l'autre côté du Rhin, les autorités allemandes ont mis en place dès 2005 une taxe, portée à 0,34 euro/kilomètre en janvier 2024, créant ainsi, côté français, "un appel d'air naturel pour le trafic de transit" et déversant chaque jour des centaines de camions supplémentaires sur un réseau "pourtant déjà saturé", selon la CEA.
"Je suis sur l'A35 tous les jours, c'est infernal. Et je regarde les immatriculations, cinq véhicules sur six ont des plaques étrangères. C'est devenu un vrai couloir à camions", a souligné en conférence de presse le président de la CEA, Frédéric Bierry, qui espère, avec cette taxe, faire contribuer aux coûts d'entretien des routes les opérateurs de transports étrangers.
- Risques sur l'emploi -
Mais pour bon nombre d'acteurs économiques alsaciens, cette taxe pourrait porter un coup fatal à certaines entreprises du territoire.
"L'économie alsacienne est déjà impactée par les crises successives que nous venons de traverser, sans compter la dégradation de l'économie allemande, à laquelle nous sommes très liés. Nous ne comprenons pas pourquoi la CEA fait peser un nouveau risque sur nos entreprises et l'emploi avec cette taxe", s'inquiètent, dans un communiqué commun, les trois présidents des chambres de Commerce, d'Agriculture et des Métiers d'Alsace, Jean-Luc Heimburger, Denis Nass et Jean-Luc Hoffmann.
Citant l'étude d'impact du cabinet Deloitte commandée par la CEA, ils avancent que cette taxe aboutirait à "prélever 64 millions d'euros par an sur l'économie", et pourrait entraîner la destruction de 1.500 emplois en Alsace dans le secteur des transports, tout en renchérissant les prix pour les consommateurs.
Adressant un "faire-part de décès de la Compétitivité de l'économie alsacienne" ayant "succombé sous le poids du projet de taxe Bierry", un collectif d'entreprises a appelé à manifester lundi devant le siège de la CEA, à Colmar, pour dénoncer un "passage en force". Les agriculteurs de la FDSEA ont également prévu de participer à la contestation.
- "On ne reculera pas" -
Certains acteurs, dont la Fédération des Travaux publics d'Alsace, ont cependant exprimé leur soutien au projet, soulignant que les recettes seraient réaffectées à l'économie locale, comme l'a promis Frédéric Bierry.
La taxe doit notamment permettre de financer le passage à deux fois trois voies de la route reliant Colmar à Sélestat, un chantier de 150 à 200 millions d'euros.
"On ne reculera pas sur le principe", a prévenu Frédéric Bierry vendredi, tout en assurant que la concertation avec les milieux économiques allait "se poursuivre" après le vote et promettant d'"aider plus ceux qui seront le plus affectés".
De leur côté, au sein de la Collectivité européenne d'Alsace, les élus d'opposition du groupe Alsace Écologiste, Citoyenne et Solidaire appellent, eux, à aller plus loin. Ils veulent amender le projet pour une mise en application dès 2026 sur un réseau routier plus large et avec un niveau de taxe aligné "sur ce qui se fait outre-Rhin".
H.Pradhan--DT