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Deux mille cinq cents postes en moins dans la branche espace d'Airbus, 15.000 emplois menacés dans la chimie, augmentation des liquidations judiciaires: l'industrie française craint les prémices d'une tempête sociale, la CGT dénonçant déjà une "saignée" dans l'automobile.
De nombreuses usines de pièces automobiles sont en effet en difficulté depuis plusieurs mois en raison de la poursuite des délocalisations des constructeurs, du ralentissement du marché et surtout de la mutation vers le moteur électrique pour réduire les émissions de CO2, qui rend obsolète certains savoir-faire liés aux moteurs diesel ou à essence.
"Globalement, on entre dans cette période d'augmentation d'un nombre d'entreprises en grande fragilité" expliquait dès août Marc Mortureux, de la Plateforme automobile (PFA) qui représente constructeurs et équipementiers automobile en France.
La CGT a recensé "180 plans de licenciement" en cours dans l'industrie en France, estimant la situation "extrêmement inquiétante".
Au total, "autour de 100.000 salariés" sont touchés directement ou indirectement, et particulièrement la filière automobile, selon la secrétaire générale du deuxième syndicat du pays Sophie Binet, qui a rencontré Antoine Armand et Marc Ferracci, ministres de l’Économie et de l'Industrie, sur fonds de coupes budgétaires et d'alourdissement de la fiscalité sur les entreprises.
Le syndicat demande au gouvernement un "moratoire sur les licenciements", une "réorientation en profondeur de la politique industrielle", la tenue "d'assises de l'industrie" et la mise en place d'un livret épargne-industrie pour financer l'industrie sur le long terme.
Au moment où de nouvelles méga-usines de batteries contribuent à réindustrialiser le nord de la France et alimentent la filière électrique, le reste du pays voit disparaître une flopée d'équipementiers plus liés au "monde d'avant", des PME de fonderie spécialistes d'emboutissage, de boîtes de vitesse, de jantes aluminium, de bielles ou de démarreurs.
L'inquiétude touche aussi des géants mondiaux.
Alors que le sort de l'usine Stellantis de Poissy (Yvelines) qui assemble les SUV Opel Mokka et DS3 Crossback est évoqué, les usines françaises du géant franco-italo-américain seront fixées sur leur sort mi-novembre, au moment où elles recevront leur plan de production à trois ans, a-t-on appris en marge du salon de l'automobile cette semaine.
Chez Michelin, l'intersyndicale a annoncé mercredi qu'elle suspendait sa participation à toute réunion avec la direction dans l'attente de réponses à ses inquiétudes sur la baisse d'activité dans trois usines: à Cholet (Maine-et-Loire), Vannes (Morbihan) et Joué-les-Tours (Indre-et-Loire).
Le géant du pneu va aussi mettre à l'arrêt quelques semaines deux usines spécialisées au Puy-en-Velay (Haute-Loire, génie civil) et Troyes (Aube, pneus agricoles).
- Concurrence "déloyale" -
Dans l'aéronautique, la branche défense et espace d'Airbus, qui fabrique notamment des satellites, a annoncé cette semaine que jusqu'à 2.500 postes pourraient disparaître d'ici la mi-2026, dans cette activité qui compte actuellement quelque 35.000 salariés.
Les raisons invoquées vont de la rupture des chaînes d'approvisionnement à la montée en puissance de la concurrence de l'Américain SpaceX d'Elon Musk avec ses constellations en orbite basse Starlink.
Sur l'ensemble des secteurs, y compris celui de l'acier, matériau de base, les industriels mettent souvent en cause la concurrence jugée déloyale de la Chine, qui inonde l'Europe de produits à bas coûts sortis d'usines subventionnées de façon illégale.
Dans la chimie, la Commission européenne instruit actuellement 30 enquêtes anti-dumping, sur 132 dossiers ouverts au total, souligne Magali Smets, de la Fédération France Chimie qui regroupe 1.300 entreprises.
L'industrie chimique, régulièrement épinglée dans l'actualité environnementale ces dernières années sur le sujet des PFAS ou des pesticides, souffre sur le plan économique.
Cette semaine, le patronat de la chimie a lancé un cri d'alarme à l'attention du gouvernement: 15.000 emplois sont menacés d'ici trois ans, soit 8% des quelque 200.000 emplois directs du secteur.
Le décrochage de la filière, nettement perceptible aussi en Allemagne, s'explique d'abord par "le coût de l'énergie", supérieur sur le Vieux Continent aux autres régions du monde, explique France Chimie.
Le secteur a recensé un millier de suppressions d'emplois ces derniers mois chez Solvay, Syensqo, ExxonMobil, Metex. Lundi le chimiste WeylChem Mamotte (Oise) a annoncé une réorganisation qui "pourrait entraîner" une centaine de licenciements, après la perte de son premier client, la fabricant de produits phytosanitaires et de semences sino-suisse Syngenta.
A.Al-Mehrazi--DT