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Candidats, partis et groupes de soutien dépensent des milliards de dollars en publicité lors de la campagne présidentielle américaine, des budgets en explosion malgré une efficacité incertaine.
Environ 1,2 milliard de dollars va être consacré à promouvoir ou dénigrer un candidat pour le seul scrutin présidentiel du 5 novembre, selon le cabinet MediaRadar CMAG, et 12 milliards au total pour l'ensemble des mandats en jeu, au Congrès notamment.
Par rapport à 2016, ce dernier chiffre a quasiment triplé, selon le cabinet Emarketer, mais la tendance est plus ancienne.
"Le plus grand changement date de la campagne Obama en 2008", explique Mike Franz, codirecteur du Wesleyan Media Project, dédié à la publicité politique.
Jusque-là, les candidats utilisaient, le plus souvent, le financement public de leur campagne, prévu par la loi, qui inclut des limites de dépenses strictes.
"Mais Obama a réalisé qu'il pouvait lever beaucoup plus d'argent grâce au développement d'internet et, depuis, tous l'ont suivi", détaille Mike Franz.
"Avec internet, il est devenu incroyablement facile de faire une donation", évoque Zachary Peskowitz, professeur de sciences politiques à l'université d'Emory, "alors qu'il y a 20 ou 30 ans, c'était un peu compliqué et seules des personnes très très engagées politiquement le faisaient."
Autre effet multiplicateur, la décision de la Cour suprême, en 2010, de lever les restrictions aux dépenses de groupes extérieurs durant une campagne.
- "Course à l'armement" -
Elle a permis la création des "super PAC" (political action committee), des entités susceptibles de lever des centaines de millions de dollars pour soutenir un candidat.
"Les campagnes sont tellement serrées que les sommes consacrées à des Etats clés comptent, mais personne ne sait vraiment à quel point", selon Mike Franz. "Donc le plus sûr est de dépenser le plus que vous pouvez. C'est une course à l'armement, de peur d'être dépassé et de perdre l'élection."
Différence notable avec le marché global de la publicité, la télévision traditionnelle attire encore une majorité des achats d'espaces.
"Le but, c'est de toucher les électeurs les plus fiables", précise Geoff Pereira, de MediaRadar CMAG, lesquels "sont souvent plus âgés et regardent la télévision (hertzienne) ou le câble", deux canaux qui sont pourtant désertés désormais par plus de la moitié des Américains.
Google et Meta, qui captent un peu moins de la moitié des revenus de la publicité en ligne dans son ensemble, ne pèsent que 9% environ des budgets promotionnels de la campagne 2024, selon Emarketer.
"Les gens sont plus suspicieux vis-à-vis des pubs qu'ils voient" en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux, souligne Mike Franz, "donc les équipes de campagne n'y vont pas à fond."
Plusieurs travaux de recherche ont confirmé que les messages de promotion d'un candidat pouvaient bien avoir un effet sur l'électorat, même s'il est marginal.
- "Utiliser l'argent autrement" -
Mais beaucoup ont aussi montré que "prévoir la capacité de persuasion d'une publicité politique présente des limites", comme l'ont conclu les universitaires auteurs d'une publication, en février, dans la revue American Political Science Review.
"Plus vous dépensez, moins les derniers dollars comptent", pointe David Broockman, professeur à l'université de Californie à Berkeley. "Mais si l'un des deux camps arrêtait de faire de la publicité, l'autre prendrait un gros avantage."
Le scénario de la campagne 2024 et ses rebondissements ont encore accentué le mouvement, avec une nouvelle candidate qui fait irruption à moins de quatre mois du scrutin.
"Dans une certaine mesure, (Kamala) Harris a besoin de dépenser beaucoup d'argent et de faire plus de publicité pour parler d'elle et donner aux électeurs un aperçu de ses positions", plaide Zachary Peskowitz, professeur de sciences politiques à l'université d'Emory.
Quant à l'équipe de campagne de Donald Trump, ajoute-t-il, "elle a l'occasion d'utiliser la publicité pour la définir".
Déjà dépassé en 2016 et 2020 sur le plan des achats d'espaces publicitaires, le milliardaire républicain devrait l'être de nouveau cette année, MediaRadar CMAG estimant son enveloppe à 500 millions, contre 700 pour le camp adverse.
"Il se dit qu'il peut utiliser son argent autrement, notamment pour augmenter la participation", dépenses qui ne sont pas comptabilisées comme de la publicité, décrit Geoff Pereira. "Il y a d'autres moyens de gagner une élection."
C.Masood--DT