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Le chorégraphe belge Jan Fabre, accusé de harcèlement sexuel par d'anciennes collaboratrices, a mis le "corps nu" au centre de son art "radical", il est exigeant dans son travail mais "n'est pas un criminel", a plaidé vendredi sa défense, exigeant sa relaxe.
"L'affaire a déraillé, la présomption d'innocence a été violée, mon client caricaturé (...) il n'est pas un criminel qui doit être incarcéré", a lancé l'avocate Eline Tritsmans devant le tribunal correctionnel d'Anvers (nord), qui rendra son jugement le 29 avril.
Alors que trois ans de prison ont été requis la semaine dernière à l'encontre de Jan Fabre -qui n'assistait pas à son procès-, l'avocate a exprimé en son nom "des regrets profonds", "des excuses sincères" à l'égard de celles et ceux que son attitude a pu heurter.
Rattrapé par la vague #metoo en 2018, le célèbre plasticien de 63 ans, qui est également metteur en scène de théâtre et chorégraphe, est jugé pour "violence, harcèlement ou harcèlement sexuel au travail" à l'égard de 12 ex-collaboratrices de sa compagnie de danse Troubleyn.
Il doit aussi répondre d'un "attentat à la pudeur" contre l'une d'elles. Il conteste toutes les accusations.
Le 25 mars, au premier jour du procès, il a été dépeint par les parties civiles comme un homme tyrannique au travail, humiliant régulièrement les danseuses en répétition, et ayant même pratiqué avec certaines un chantage à caractère sexuel.
Après ce portrait accablant, trois ans de prison ferme ont été requis par la procureure. Celle-ci a jugé les témoignages des victimes "très crédibles" et reproché à Fabre d'avoir instauré "une culture de la peur" à Troubleyn.
Vendredi la parole était à la défense.
Me Tritsmans a admis le "fort caractère" de Fabre, "anar romantique" connu pour ses provocations, et le fait que travailler avec lui "c'est intense, c'est se donner à 100%" dans des performances éreintantes: "Avec cette place essentielle du corps nu, du corps en métamorphose, on vise le vrai épuisement, les vraies émotions".
- Ambiance "pétillante" -
Mais, a insisté l'avocate, "ce contexte +fabrien+ particulier" est bien connu de tous ceux qui travaillent avec lui.
"Il ne s'agit pas ici de mineurs sans défense qui sont abusés mais de femmes fortes, éduquées, qui choisissent d'aller faire de la danse radicale avec Jan Fabre", a-t-elle affirmé.
La pénaliste a fait projeter des enregistrements vidéo de répétitions en 2015 et 2017 où l'on voit le chorégraphe exprimer ses directives de manière ferme, mais en laissant la place au débat. Comme lorsqu'une danseuse, en culotte sous sa tunique blanche, conteste devoir s'asseoir les jambes grandes ouvertes sur scène.
"On l'a présenté comme un Dieu, un grand manitou qui ne supporte pas la contradiction, (...) ça ne tient pas debout!": selon l'avocate, ces extraits montrent au contraire une ambiance de travail "pétillante", "créative".
Me Tritsmans a défendu le fait que Fabre doive parfois crier sur ses troupes -"les coachs de foot le font tout le temps"-, ainsi que son usage de surnoms ou diminutifs animaliers avec certaines danseuses. "Appeler +jambon+ Annabelle Chambon (danseuse française qui n'est pas partie civile, ndlr), oui on peut discuter l'humour, mais ce n'était pas mal reçu", a-t-elle assuré.
Accusation phare du dossier, résumant aux yeux des victimes présumées sa tendance au harcèlement, la formule "Pas de sexe, pas de solo" a été vivement dénoncée. "C'est une rumeur, un cancan, ça n'est pas la réalité", a fustigé Me Tritsmans.
L'équipe de défense a dit avoir recueilli au total 80 témoignages balayant les arguments de l'accusation.
Les faits reprochés portent sur la période 2002-2018. En juin 2021, à l'issue de trois ans d'enquête, l'Auditorat du travail d'Anvers, section spécialisée du parquet, avait décidé de renvoyer Jan Fabre devant la justice pénale.
L'artiste, exposé dans toute l'Europe, encourt jusqu'à cinq ans de prison.
Y.Chaudhry--DT