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Un petit groupe d'employés motivés a fait flancher l'une des plus grandes multinationales: les salariés d'un entrepôt d'Amazon à New York ont voté en majorité en faveur de la création d'un syndicat, une première aux Etats-Unis au sein de l'entreprise.
Selon un décompte retransmis en ligne, 2.654 employés ont coché "oui" pour être représentés par l'organisation indépendante Amazon Labor Union, créée il y a près d'un an, contre 2.131 ayant voté "non".
A l'annonce des résultats, des applaudissements ont retenti au sein de la petite foule réunie pour l'occasion en bas de l'immeuble du quartier de Brooklyn où était organisé le dépouillement, a constaté une journaliste de l'AFP.
Le nom du syndicat, ALU, est scandé plusieurs fois. Son président Christian Smalls débouche une bouteille de champagne.
"Les gens ont parlé aujourd'hui, ils veulent un syndicat", dit-il.
Un peu plus tard devant la presse, il remercie ironiquement le patron d'Amazon, Jeff Bezos, pour être allé dans l'espace, "car pendant qu'il était là-haut, on a pu monter un syndicat".
Quelques slogans retentissent: "Le pouvoir aux travailleurs", "Les travailleurs valent plus que les profits".
Aaron Novik, qui travaille dans un entrepôt d'Amazon dans le Connecticut et soutient le mouvement en créant régulièrement de nouvelles affiches, était saisi d'une joyeuse incrédulité.
"Comment ont-ils fait? Je ne sais pas. Mais les gens voient maintenant que c'est possible", dit-il avec à la main une pancarte "nous ne sommes pas des machines, nous sommes des êtres humains".
Au total, 8.325 travailleurs de l'entrepôt JFK8 situé dans le quartier de Staten Island, dans une grande zone industrielle, étaient sur la liste des votants, même si une partie ne travaille plus à Amazon. Appelés à voter du 25 au 30 mars dans une tente installée devant l'entrepôt, 4.852 salariés ont glissé un bulletin dans l'urne.
- "Tellement peu de chances" -
Amazon, l'un des plus gros employeurs aux Etats-Unis, avait réussi jusqu'ici à repousser les velléités des salariés souhaitant se regrouper dans le pays.
"Ils avaient tellement peu de chances de gagner", observe Rebecca Givan, spécialiste des mouvements de travailleurs à l'université Rutgers.
Elle n'était pas très optimiste à l'approche du scrutin, la loi actuelle sur les syndicats étant particulièrement favorable aux employeurs.
Et ALU, créé par un petit groupe d'actuels et anciens salariés d'Amazon à New York, avait peu de moyens face à un géant ayant gagné plus de 30 milliards de dollars en 2021.
"On a peut-être dépensé en tout 120.000 dollars", levés via des campagnes de financements participatifs ou des ventes de tee-shirts, remarque Madeline Wesley, membre de ALU.
L'entreprise a de son côté embauché des consultants spécialisés et convoqué les salariés à plusieurs réunions obligatoires à l'approche du scrutin pour leur présenter les inconvénients d'un syndicat.
"Beaucoup de gens nous ont dit qu'on ne pouvait pas gagner, qu'on avait besoin d'un syndicat expérimenté", remarque Mat Cusick. "De nombreux travailleurs vont maintenant se rendre compte que ce n'est pas vrai et qu'ils peuvent le faire".
Le mouvement avait commencé au début de la pandémie, quand quelques salariés de l'entrepôt ont organisé une petite manifestation pour réclamer plus de protections sanitaires face au Covid-19.
Ils ont ensuite décidé de tenter leur chance après le rejet, au printemps 2021, d'un syndicat dans un entrepôt d'Amazon plus au sud, à Bessemer dans l'Alabama, où les autorités ont d'ailleurs ordonné une nouvelle élection, estimant qu'Amazon avait enfreint certaines règles.
Jeudi soir, le "non" y menait avec 993 bulletins, contre 875 "oui", mais il restait 416 bulletins dits "disputés", qui décideront du résultat. Une audience doit décider dans les prochaines semaines ce qui sera fait de ces bulletins.
ALU pour sa part est déjà mobilisé pour sa prochaine bataille: le centre de tri LDJ5, de l'autre côté de la rue de l'entrepôt JFK8. Un vote y aura lieu à la fin du mois.
"Je suis sûr qu'on va aussi gagner là-bas", a affirmé Christian Smalls, qui a passé les onze derniers mois à l'arrêt de bus desservant les deux bâtiments à discuter avec les salariés.
Sur le déclin depuis plusieurs décennies, les syndicats ont décroché ces derniers mois plusieurs victoires symboliques aux Etats-Unis, à commencer par le soutien explicite du président américain Joe Biden.
La création du premier syndicat dans un café Starbucks directement géré par la chaîne aux Etats-Unis en décembre a aussi suscité l'enthousiasme, des employés dans plus de 160 établissements ayant depuis demandé l'organisation d'un vote.
H.El-Qemzy--DT