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Une planète calme, où le son circule lentement et à deux vitesses différentes: l'étonnant paysage acoustique de la planète rouge, enregistré par le rover Perseverance, livre ses secrets aux Terriens.
A peine atterri, il y a un peu plus d'un an, le robot de la Nasa nous faisait parvenir le premier audio jamais capturé sur Mars grâce à un micro, à des fréquences audibles par l'oreille humaine, ce que de précédentes missions avaient tenté sans succès.
Derrière un son strident produit par le véhicule, on pouvait clairement entendre une bourrasque de vent. La planète rouge, dont les sondes interplanétaires nous envoient des milliers d'images depuis 50 ans, sortait enfin de son "néant sonore", se félicite le CNRS à l'occasion de la parution d'une étude vendredi dans Nature.
Cette première capture a révélé des régimes de turbulences jusqu'ici inconnus, rappelle son auteur principal, Sylvestre Maurice, co-responsable scientifique de l'instrument SuperCam du rover, où est installé le microphone conçu par l'Isae-Supaéro de Toulouse.
Mais cette écoute "passive" n'était pas assez parlante. Et comme Mars est la plupart du temps très silencieuse, il a fallu utiliser deux sources de son "actives" embarquées depuis la Terre, explique à l'AFP cet astrophysicien de l'Irap (Institut de recherche en astrophysique et planétologie) de l'Université de Toulouse.
Son équipe s'est servie des vols du petit hélicoptère Ingenuity, compagnon de route du rover Perseverance, et des lasers tirés sur les roches pour sonder leur composition chimique (un bruit de "clac clac"). "On avait là une source de son très localisée, entre deux et cinq mètres de distance de sa cible, et dont on savait très exactement à quel moment elle allait tirer", détaille le chercheur.
- "Conversation difficile" -
La vitesse du son a pu être mesurée in situ: 240 mètres par seconde, contre 340 mètres par seconde sur notre planète. Rien d'anormal à ce qu'elle soit moins rapide, au regard de la composition de l'atmosphère martienne (96% de CO2 vs 0,004% sur Terre) et de sa très faible pression (170 fois plus que sur Terre).
La surprise est venue du son du laser et ses... 250 mètres par seconde. "Là j'ai un peu paniqué ! Je me suis dit que l'une des deux mesures était fausse car sur Terre, près de la surface, il n'y a qu'une seule vitesse du son", se souvient Sylvestre Maurice.
Il y a pourtant bien deux vitesses: l'une pour les aigus (le laser), l'autre pour les graves (l'hélicoptère). En outre, "l'atténuation du son est plus forte sur Mars que sur Terre, particulièrement les aigus qui se perdent très vite, même à faible distance". Ce qui rendrait "une conversation difficile entre deux personnes séparées de seulement cinq mètres", selon le CNRS.
Le chercheur ose même l'analogie avec un concert: "Sur Terre, les sons de l'orchestre vous parviennent à la même vitesse, qu'ils soient graves ou aigus. Imaginons sur Mars, si vous êtes placés un peu loin de la scène... vous allez avoir un sacré décalage".
Le "pari scientifique", celui d'avoir équipé une mission spatiale d'un microphone, est à ses yeux réussi. Même si ce nouvel outil n'en est qu'à ses débuts: continuer à écouter Mars devrait aider à mieux comprendre son atmosphère, qui par le passé ressemblait à celle de la Terre et aurait pu favoriser l'apparition de la vie.
L'analyse des sons des turbulences, comme ces vents verticaux appelés +panaches de convection+, va notamment "permettre d'affiner nos modèles numériques de prédiction du climat et de la météo" de Mars, anticipe Thierry Fouchet, de l'Observatoire de Paris - PSL, l'un des auteurs.
Et d'autres atmosphères, comme celle de Vénus ou de Titan, une lune de Saturne, pourraient faire l'objet d'investigations sonores avec ce même type d'instrument.
F.Saeed--DT