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Dans une chambre d'hôtes le long d'une plage sri-lankaise, le fils du propriétaire éclaire avec son téléphone le bout de papier où est inscrit le code wifi du lieu, plongé dans le noir suite à une coupure de courant, à la demande de deux voyageurs européens. Quelques instants plus tard, ils réalisent la futilité de leur geste.
Au sortir d'une guerre civile de plusieurs décennies, les plages bordées de cocotiers et la faune exotique avaient fait de ce pays une destination touristique populaire.
Mais les coupures d'électricité, les interminables files d'attente aux stations-service et les pénuries alimentaires mettent à mal l'espoir d'une relance économique grâce au tourisme, un secteur clé pourtant pour enrayer la crise financière qui s'intensifie au Sri Lanka, confronté à sa pire crise depuis son indépendance en 1948.
"A cause des coupures de courant, nous ne pouvons pas servir nos clients", explique à l'AFP Dilip Sandaruwan, le propriétaire de l'auberge plongée dans le noir. "Ils ne sont pas satisfaits et demandent des réductions".
- A cran -
Sa maison d'hôtes, située à quelques pas de la plage dans la ville côtière de Mirissa, peine à attirer les réservations. Les clients se plaignent du manque de climatisation dans la touffeur des nuits tropicales et les hôteliers n'ont pas accès aux plateformes de réservation en ligne.
"Nous sommes toujours à cran", confie M. Sandaruwan. "Nous ne savons pas comment rembourser nos prêts et les banques exercent une forte pression sur nous".
L'aggravation de la pénurie de carburants rend en outre les déplacements difficiles et crée d'interminables files de motos-taxis bloquées devant les stations-service.
"Je ne dit jamais aux étrangers qu'il y a un problème de carburant", raconte Pradeep Chandana De Silva, propriétaire d'une compagnie d'excursions.
Avant l'aube, il envoie chaque jour ses employés à la chasse au gazole pour pouvoir emmener les touristes à travers la mangrove de Balapitiya.
"Si les files d'attente s'allongent et qu'il y a moins de carburant, ce sera terrible pour toute l'industrie", alerte-t-il.
Jeudi, le diesel était introuvable dans l'intégralité des stations de l'île, selon les autorités et les médias, ce qui a obligé l'Etat à imposer une coupure généralisée de l'électricité pendant 13 heures - la plus longue jamais enregistrée - faute de diesel pour les générateurs.
Manquant cruellement de devises étrangères, l'île de 22 millions d'habitants n'est pas en mesure d'importer des produits vitaux, ce qui entraîne des pénuries graves, depuis les médicaments jusqu'au ciment.
- Faible reprise -
Les touristes pourtant sont bien souvent inconscients de la gravité de la situation.
"Nous ne savions pas grand-chose avant d'arriver ici", avoue Ayesha Khan, une touriste indienne, interrompant une promenade romantique au coucher du soleil sur la plage de Mirissa avec son mari.
Ils savent désormais que leur chauffeur a attendu pendant des heures pour faire le plein. L'électricité dans leur logement a également été régulièrement coupée sans avertissement, mais ils ne regrettent pas leur voyage.
Une faible reprise post-pandémique a commencé à la fin de l'année dernière, avec près de 100.000 touristes en février soit environ 40% des pics observés les années précédentes.
Mais à la fin du même mois, la Russie a envahi l'Ukraine, stoppant presque tout le tourisme en provenance des deux pays, qui représentent la première et la troisème source de visiteurs étrangers sur l'île.
Aujourd'hui, selon les experts, même une industrie touristique florissante ne suffirait pas à sortir le Sri Lanka de la spirale de l'endettement.
"Même les années où le tourisme était à son apogée, le Sri Lanka avait encore un déficit (...) et devait emprunter sur les marchés de capitaux étrangers", affirme Suramya Ameresekera, économiste pour la société de conseil JB Securities dans la capitale Colombo.
"Si le tourisme a repris depuis le Covid (...) ce n'est pas du tout suffisant."
Le gouvernement s'efforce de préserver les vacanciers des difficultés auxquelles sont confrontés la plupart des 22 millions d'habitants du pays.
Les guides touristiques accrédités sont autorisés à éviter les files d'attente pour l'essence, au grand dam des autres conducteurs qui font la queue.
Les Sri Lankais "nous traitent vraiment bien, alors c'était bien de venir ici maintenant" se réjouit Nazareth Marina, une touriste espagnole.
A.Murugan--DT