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Fermera ? Fermera pas ? Jeudi devait être le dernier jour d'exploitation de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), où l'émotion était palpable dans la salle des commandes, mais l'éventualité d'une prolongation d'activité l'hiver prochain laisse les salariés dans une inconfortable incertitude.
"C'est une journée particulière, on avait une relation étroite avec notre outil de travail", raconte Thomas About, 31 ans, qui a commencé à travailler en 2009 à la centrale de Saint-Avold.
Celle-ci a tourné à plein régime cet hiver et ses hautes cheminées devaient s'éteindre définitivement jeudi.
Mais le sort de la centrale Emile Huchet est encore en suspens, le gouvernement n'ayant pas exclu son redémarrage l'hiver prochain, compte tenu des déboires rencontrés par le parc nucléaire d'EDF et des conséquences du conflit en Ukraine.
Face à cette incertitude, qui pèse sur le moral de certains, les salariés s'affairent à arrêter en douceur cette lourde machinerie, inaugurée en 1981 par un François Mitterrand fraîchement élu, en y prenant le "plus grand soin".
Tous manipulent les équipements "avec le plus de précautions possibles pour rendre l'outil disponible" en cas de redémarrage, souligne Thomas About.
Sylvain Krebs, 46 ans et 22 ans passés à la centrale Emile Huchet, regarde une dernière fois les écrans dont les voyants, tous au vert, indiquent que les installations sont à l'arrêt.
Le charbon, dont il avait la charge sur le site, il en a "fait le deuil", mais gardé en souvenir un "petit bocal" de cet "or noir" qui a fait vivre la Lorraine pendant près de deux siècles.
- "Décision rapide" -
Et s'il faut revenir l'an prochain, il est prêt, comme bon nombre de ses collègues. Mais il ne se fait aucune illusion: pour lui, "on prolonge quelque chose qui a de toute façon vocation à s'arrêter".
"On arrivera à trouver des volontaires pour reprendre du service; ici en Moselle, on est des bosseurs!", s'exclame Michael Oeblinger, 60 ans, dont 40 passés à la centrale, responsable de la manutention et délégué syndical CFE-CGC. Après avoir "fermé les portes à 22H00" jeudi soir, il sera à la retraite, comme près de la moitié des 87 salariés d'Emile Huchet.
Tous attendent cependant que "les politiques sortent du bois" et tranchent sur le devenir de la centrale.
"Il faut une décision rapide, on ne peut pas rester trop longtemps dans l'incertitude" explique Philippe Lenglart, le directeur du site. Car pour redémarrer à l'automne prochain, il faudrait rapidement recommander du charbon. Or les délais d'approvisionnement actuels sont de "trois à quatre mois", rappelle-t-il.
Il indique qu'en cas de redémarrage, il faudra aussi réaliser des "travaux de maintenance nécessaires" pour "remettre en état" certains équipements. Et il devra commencer des discussions avec ses salariés afin de savoir qui voudra revenir ou non.
- "Dans le respect des équipes" -
Car pour faire tourner la centrale, il aura besoin d'environ 70 personnes l'hiver prochain: ce sont des emplois "pour lesquels des formations longues sont nécessaires". Il est donc "exclu de recruter des personnes qui ne connaissent pas le métier", insiste-t-il.
La centrale, très polluante, avait le droit de fonctionner 1.000 heures pour la période de janvier-février, puis 600 heures sur le reste de 2022.
Pour permettre le redémarrage de Saint-Avold, le gouvernement assouplirait "à nouveau temporairement la contrainte sur le nombre d'heures de fonctionnement de cette centrale", "afin de sécuriser l'approvisionnement électrique lors de l'automne et de l'hiver prochains", avait indiqué le ministère de la Transition écologique en début de semaine.
Mais "tant qu'on n'est pas certains, on ne veut pas raviver l'espoir" parmi les salariés, note Camille Jaffrelo, porte-parole du groupe GazelEnergie, propriétaire de la centrale. Pour elle, si Emile Huchet redémarre, cela doit en priorité "se faire dans le respect des équipes".
Selon le ministère de la Transition écologique, le fonctionnement éventuel de la centrale l'hiver prochain, "lié à un contexte exceptionnel, ne remettrait pas en cause la trajectoire globale de sortie du charbon de la France".
Il n'y a qu'une seule autre centrale au charbon encore ouverte dans l'Hexagone, à Cordemais, en Loire-Atlantique.
Emmanuel Macron avait promis de fermer d'ici à 2022 ces dernières centrales à charbon, facilement mobilisables pour produire de l'électricité en cas de besoin, mais aussi très émettrices de CO2.
I.Viswanathan--DT