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Confrontés à la pire crise économique que le Sri Lanka ait connu, la colère des habitants est de plus en plus palpable, que ce soit dans les interminables files d'attente aux stations-service ou à la lueur des bougies lors des coupures de courant.
Manquant cruellement de devises étrangères, l'île n'est pas en mesure d'importer des produits vitaux, ce qui entraîne des pénuries graves, allant de médicaments vitaux au ciment.
Dans les longues files d'attente qui se forment avant l'aube devant les stations-service, tous s'inquiètent de la façon dont ils pourront nourrir leur famille avec la montée en flèche des prix des denrées alimentaires.
"Je suis là depuis cinq heures", explique Sagayarani, une femme au foyer de Colombo, à l'AFP, attendant sa part du kérosène destiné à alimenter les fourneaux des ménages les plus pauvres de la capitale.
Elle dit avoir vu déjà trois personnes perdre connaissance et qu'elle-même devrait être à l'hôpital pour subir un traitement médical, mais qu'avec son mari et son fils au travail, elle n'a pas d'autre choix que d'attendre sous le soleil brûlant du matin.
"Je n'ai rien mangé, j'ai des vertiges et il fait très chaud, mais que pouvons-nous faire? C'est beaucoup de souffrance", explique-t-elle, refusant de donner son nom de famille.
Au port, les camions ne peuvent pas acheminer la nourriture et les matériaux de construction vers d'autres centres urbains, ni ramener le thé des plantations situées dans la région des hauts plateaux, au centre du pays.
- "Mauvaise gestion" -
Les bus qui transportent les travailleurs journaliers dans la capitale sont à l'arrêt, certains hôpitaux ont suspendu les opérations non urgentes. Les examens ont été reportés ce mois-ci en raison d'une pénurie de papier.
Le gouvernement a reconnu que la crise actuelle est la pire depuis l'indépendance du pays en 1948.
Ces dernières années, le pays, qui n'est sorti de plusieurs décennies de guerre civile qu'en 2009, a été frappé pas une série d'événements éprouvants.
L'agriculture a subi une désastreuse sécheresse en 2016, le tourisme a été anéanti par les attentats islamistes du dimanche de Pâques de 2019, faisant au moins 279 morts, puis la pandémie de Covid-19 a tari les transferts d'argent venus des Sri-Lankais vivant à l'étranger.
Tourisme et diaspora sont deux sources vitales de devises étrangères nécessaires pour payer les importations et assurer le service de la dette extérieure du pays, qui s'élève à 51 milliards de dollars (46 milliards d'euros).
Mais selon Murtaza Jafferjee, président du groupe de réflexion Advocata Institute basé à Colombo, la "mauvaise gestion" du gouvernement est un facteur bien plus important.
M. Jafferjee pointe du doigt un déficit public chronique, des réductions d'impôts malavisées juste avant la pandémie qui ont privé l'État de recettes, et des subventions sur l'électricité et d'autres services publics qui ont profité de manière disproportionnée aux Sri Lankais les plus riches.
De mauvaises décisions politiques ont aggravé les problèmes. L'an dernier, les autorités ont déclaré que le Sri Lanka deviendrait la première nation au monde à pratiquer une agriculture entièrement biologique et ont interdit du jour au lendemain les engrais importés, afin de ralentir les sorties de devises étrangères.
- Colère -
En réponse, les agriculteurs ont laissé leurs champs vides, provoquant l'inflation des produits alimentaires, jusqu'à l'abandon de cette politique quelques mois plus tard.
Le Sri Lanka cherche maintenant le secours du FMI mais les négociations pourraient s'étendre jusqu'à la fin de l'année, et la population se prépare à des temps encore plus difficiles.
"Je m'attends à ce que ce soit bien pire", prédit M. Jafferjee.
"Malheureusement, ils sont incapables de la contenir car les personnes qui ont créé la crise sont toujours en charge de la gestion économique".
La nuit, alors que la lumière orangée des lampadaires inonde les quartiers les plus riches de Colombo, de vastes pans de la ville sont plongés dans une quasi-obscurité.
A cause de coupures d'électricité de plusieurs heures chaque jour, les restaurants et les magasins tentent de fonctionner à la lumière des bougies. D'autres commerçants préfère baisser leur rideau métallique quand vient la nuit.
La colère vise l'administration de Gotabaya Rajapaksa, membre d'une famille dirigeante autrefois appréciée par une grande partie de la majorité cinghalaise du pays pour avoir mis brutalement fin à la guerre civile ethnique contre les Tigres tamouls.
Depuis, le soutien au clan Rajapaksa s'est effondré. Ce mois-ci, une foule en colère a tenté de prendre d'assaut le bureau du président.
"Nous avons été entraînés au bord du gouffre", affirme Mohammed Afker, un étudiant qui a manifesté avec des milliers de personnes à l'appel d'une coalition d'opposition de gauche.
Ce jeune homme de 20 ans, explique à l'AFP comment les difficultés du quotidien ne lui laissent même pas le temps de penser à ses faibles chances de trouver un emploi à la fin de ses études.
"Nous ne pouvons même pas nous procurer des produits essentiels. Nous ne pouvons même pas nous faire du thé à la maison", se désole-t-il.
"Notre avenir est devenu un point d'interrogation. Nous manifestons ici parce que les choses doivent changer".
F.Chaudhary--DT