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L'armée russe a bombardé dimanche une base militaire ukrainienne toute proche de la Pologne, tandis qu'un haut responsable ukrainien a déclaré que la capitale Kiev était désormais "une ville en état de siège".
Un journaliste américain a été tué près de Kiev, tandis qu'à Marioupol (sud), port stratégique pilonné par les Russes où la population manque de tout, le bilan dépasse les 2.000 tués, selon les autorités.
Sur le front diplomatique, les deux parties ont annoncé pour lundi une nouvelle session de négociations par visioconférence.
- A la frontière de l'Otan -
Alors que l'ouest de l'Ukraine était largement épargné jusque-là, les forces russes ont bombardé dans la nuit de samedi à dimanche la base militaire de Yavoriv, à seulement une vingtaine de kilomètres de la Pologne, pays membre de l'Otan et de l'UE, et à une quarantaine de kilomètres de la grande ville ukrainienne de Lviv, où vivent de nombreux déplacés.
Dimanche soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a une nouvelle fois réclamé une zone d'exclusion aérienne au-dessus de son pays - refusée plusieurs fois par les Occidentaux -, sinon, a-t-il mis en garde, "les roquettes russes vont tomber" sur le territoire de l'Otan.
Les frappes aériennes russes, menées depuis les mers Noire et d'Azov, ont fait 35 morts et 134 blessés, selon le gouverneur de la région Maxim Kozitsky.
Le ministère russe de la Défense a assuré de son côté que "jusqu'à 180 mercenaires étrangers et une importante quantité d'armes étrangères ont été éliminés". Un responsable ukrainien local a affirmé que seuls des Ukrainiens avaient été tués.
Un journaliste de l'AFP a vu des blessés boitillant, en fauteuils roulants ou sur des brancards, évacués par des dizaines d'ambulances et de camions militaires qui les ont amenés dans des hôpitaux proches, où les habitants se sont rués pour offrir de l'aide. "Je suis venue ici pour donner mon sang, mais on m'a mise sur liste d'attente", a confié Mariya Antonyshyn, une psychologue scolaire.
Le général polonais Waldemar Skrzypczak, ex-commandant de l'armée de l'air, a confirmé que cette base sert à la formation d'unités de la légion étrangère, avec des volontaires qui arrivent en Ukraine pour combattre les Russes. C'est là également qu'arrive une partie de l'aide militaire livrée par les pays occidentaux à l'Ukraine depuis son invasion par la Russie le 24 février.
"C'est maintenant la troisième installation militaire ou aérodrome que les Russes frappent en Ukraine occidentale ces deux derniers jours", a réagi sur ABC le porte-parole du Pentagone, John Kirby. "Ils élargissent leurs cibles".
Dans cette région, des frappes avaient déjà visé samedi un aéroport militaire à Lutsk, tuant quatre soldats ukrainiens. Et dimanche, le maire d'Ivano-Frankivsk, à une centaine de kilomètres au sud de Lviv, a affirmé qu'une "frappe" avait visé l'aéroport.
Le président russe "Vladimir Poutine est frustré par le fait que ses forces ne progressent pas comme il pensait dans les grandes villes, y compris Kiev", et "il se déchaîne et (...) essaie de causer des dommages dans chaque partie du pays", a commenté sur CNN le conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan.
Kiev, dont seules les routes vers le sud restent dégagées, est de plus en plus cernée par les Russes, qui ont détruit samedi l'aéroport avoisinant de Vassylkiv, selon les Ukrainiens.
"Kiev. Une ville en état de siège", a écrit sur Twitter un conseiller du président ukrainien, tandis que les habitants faisaient des provisions de vivres et de médicaments et que les autorités installaient des barricades.
Dans ses faubourgs, à Irpin, un journaliste américain, Brent Renaud, a été tué dimanche par balles, et un autre blessé. Ils circulaient en voiture avec un civil ukrainien, également blessé, a précisé Danylo Shapovalov, médecin qui a pris en charge les victimes.
Brent Renaud, photographe et réalisateur indépendant de 50 ans, est le premier journaliste étranger tué depuis le début de la guerre.
Les autorités ukrainiennes ont rapidement accusé leurs ennemis russes d'avoir tiré sur les journalistes américains, mais l'origine des tirs restait difficile à établir.
L'armée ukrainienne résiste toujours à l'est et à l'ouest de la capitale, selon des journalistes de l'AFP sur place.
Des soldats ukrainiens ont estimé que les envahisseurs étaient à la peine. "Ils doivent camper dans des villages par -10°C la nuit. Ils manquent de provisions et doivent piller les maisons", s'est réjoui un soldat de 27 ans, Ilya Berezenko.
- Marioupol compte ses morts -
L'armée russe a continué de pilonner le sud du pays, où la ville assiégée de Marioupol espérait l'arrivée dimanche d'un convoi d'aide humanitaire.
Mais un conseiller du maire, Petro Andryushchenko, a indiqué à l'AFP dans la soirée que les véhicules avaient dû faire demi-tour à cause de tirs russes incessants. Une nouvelle tentative était prévue pour lundi.
Marioupol, ville stratégique située entre la Crimée et le Donbass, manque de vivres et est privée d'eau, de gaz, d'électricité et de communications. Selon la municipalité, 2.187 habitants y ont été tués depuis le début de l'offensive russe. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a mis en garde contre "un scénario du pire".
Des tentatives d'évacuer des centaines de milliers de civils ont échoué à plusieurs reprises.
Le pape a qualifié dimanche Marioupol de "ville martyre dans la guerre atroce qui est en train de dévaster l'Ukraine".
Le président Zelensky a accusé Moscou d'à la fois bloquer et attaquer les convois humanitaires.
- Bombardements à Mykolaïv -
Toujours au sud, la métropole d'Odessa continue à se préparer à une offensive des troupes russes, qui se concentrent pour l'heure à une centaine de kilomètres à l'est sur Mykolaïv.
Au moins 11 personnes ont été tuées dimanche par des frappes russes sur cette ville portuaire, selon les autorités ukrainiennes.
Par ailleurs, le maire de Dniproroudné, dans le sud, a été enlevé dimanche par des soldats russes deux jours après le kidnapping d'un autre maire, selon le gouverneur de la région de Zaporojie. Ces enlèvements ont été condamnés par l'Union européenne.
A Kherson, toujours dans le sud, plusieurs milliers d'Ukrainiens ont manifesté contre l'occupation de leur ville par l'armée russe. Des vidéos postées sur le site d'un média indépendant laissaient entendre une foule crier "Rentrez chez vous tant que vous êtes encore vivants!".
Le bilan des victimes, dont certains jonchent les rues de villes, est impossible à vérifier. Au moins 596 civils ont été tués, selon un décompte des Nations unies sans doute très inférieur à la réalité.
"Environ 1.300" militaires ukrainiens ont été tués depuis le 24 février et l'armée russe a elle perdu "environ 12.000 hommes", avait affirmé samedi M. Zelensky.
Le Pentagone a fourni pour sa part une estimation de 2.000 à 4.000 morts russes en 14 jours, tandis que le seul bilan fourni par Moscou, déjà ancien, évoquait un peu moins de 500 morts.
Le chef de la police de Popasna, à une centaine de kilomètres de Lougans (est) a par ailleurs accusé dimanche Moscou d'utiliser des bombes au phosphore. "C'est ce que les +Russistes+ (combinaison de Russes et fascistes) sont en train de lâcher sur nos villes. Souffrances indescriptibles et incendies", a écrit Oleksi Bilochytsky sur Facebook.
Cette information était invérifiable dans l'immédiat.
Plusieurs agences de l'ONU ont exigé dimanche l'arrêt des attaques contre les personnels et les infrastructures de santé en Ukraine, actes "d'une cruauté inadmissible".
Selon l'Unicef, "31 attaques contre les soins de santé ont été documentées", faisant "au moins 12 morts et 34 blessés".
- "Progrès" dans les discussions -
Dans ce contexte, un négociateur russe a pourtant fait état de "progrès significatifs" dans les pourparlers avec l'Ukraine, qui reprendront lundi.
"Mon attente personnelle est que ces progrès aboutissent très prochainement à une position commune entre les deux délégations et à des documents à signer", a ajouté Léonid Sloutski, cité par les agences de presse russes.
Coté ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, l'un des conseillers du président Volodymyr Zelensky, a indiqué sur Twitter que Moscou avait cessé de lancer "des ultimatums" à Kiev et commencé à "écouter attentivement nos propositions".
De leur côté, de hauts responsables américains et chinois doivent se rencontrer lundi à Rome, a annoncé la Maison Blanche, qui s'inquiète d'une possible assistance de Pékin à Moscou, visée par les sanctions occidentales.
En Russie, plus de 800 personnes manifestant dimanche contre l'invasion russe de l'Ukraine ont été interpellées dans 37 villes, selon l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations.
En tout, depuis le 24 février, au moins 14.700 personnes ont été interpellées en Russie lors de manifestations contre le conflit, selon OVD-Info.
R.Mehmood--DT