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"Il y a dix mètres de l'arbre jusqu'au banc, on ne peut pas faire plus court", s'amuse Muriel Laurendeau, propriétaire d'un parc de loisirs de wallabies près d'Angers, qui utilise une scierie mobile pour débiter son bois, dont le prix à l'achat reste élevé.
Plutôt que de réduire en bois de chauffage les arbres de ce parc de 8 ha qui ont été abattus, l'Angevine les fait transformer par la scierie mobile de Pescheseul, une impressionnante machine sur roues, qui arrive chez elle tirée par un pick-up, alimentée par un groupe électrogène, sciant à l'horizontale des troncs allant jusqu'à 7 mètres.
"Le peuplier a servi à fabriquer la toiture d'un abri, le chêne à faire des bancs. Plus les gens s'assoient, plus le kangourou prend confiance et se rapproche", explique-t-elle. "S'il avait fallu acheter les 13 m3 qu'on a utilisés, il aurait fallu payer quatre fois plus".
Depuis le début de la crise sanitaire, le prix du bois a flambé et les retards de livraison ont fortement handicapé la filière française, qui emploie 400.000 personnes, en raison d'une désorganisation de la chaîne de production et de l'accroissement de la demande, tirée par la Chine et les Etats-Unis.
A 20 kilomètres de là, le magasin "Autour du Bois" utilise la scierie mobile depuis 15 ans pour scier du chêne et du pin Douglas achetés dans la région. Les clients sont aussi bien des paysagistes que des particuliers, pour des demandes qui vont de la pergola au piquet de clôture en passant par le plan de travail pour cuisine.
"On transforme 45 m3 de pin et 15 m3 de chêne, il y a vraiment un service de proximité", souligne la gérante Valérie Sécher. "On fait du sur-mesure et on transforme des billes de bois atypiques", ajoute la jeune femme, qui dénonce l'inflation des prix, le bois étant vendu "aux enchères, donc au plus offrant". Elle s'attend à de nouvelles tensions sur l'approvisionnement avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
- "construisez avec vos arbres !" -
Créée après la tempête de 1999, la scierie mobile de Pescheseul, au sud-ouest du Mans, est au coeur d'un massif forestier de 750 hectares. Manipulés par des doigts métalliques dans un bruit fracassant, les troncs sont sciés sous un hangar selon des mesures fournies par les clients, menuisiers, charpentiers ou particuliers.
"En 1999, tous les arbres étaient à terre, les propriétaires ne savaient plus quoi faire de leur bois", se souvient Antoine d'Amécourt, cofondateur et gérant du groupement foncier rural de Pescheseul.
"Autrefois, il y avait une scierie par canton, aujourd'hui il n'y en a pas toujours une par département. On dit à nos clients +Construisez avec vos arbres+. Avec un arbre on ne peut rien faire, mais avec une planche on a une cabane pour les enfants, une niche pour le chien, une cage pour les poules, des étagères", énumère-t-il.
L'engin passe la moitié du temps à Pescheseul, l'autre moitié chez ses clients, dans un rayon d'une centaine de kilomètres.
"Ce chêne était visiblement mort sur pied, il y a des trous du grand capricorne. Ca n'enlève rien à sa solidité mais un architecte n'en voudrait pas, alors que nous on peut le valoriser", observe le Sarthois, également président de Fransylva, principal syndicat de la forêt privée. "Ca empêche de laisser le bois pourrir en forêt", ajoute Paulo Fernandes, le cogérant.
Avec l'augmentation de la part de matériaux renouvelables dans le bâtiment, le bois a le vent en poupe. Reste que la France transforme encore peu son bois en raison de la faiblesse de son industrie de transformation.
"Les scieries mobiles ont leur utilité, on a un regard bienveillant à leur égard car c'est du circuit court et direct, mais elles ne vont pas résoudre à elles seules les problèmes de l'approvisionnement en bois", observe toutefois Nicolas Douzain, délégué général de la Fédération nationale du bois, rappelant qu'en 2021, "30% des chênes français ont été exportés".
F.A.Dsouza--DT