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Il voulait honorer son rendez-vous : accaparé par l'invasion russe en Ukraine, le président Emmanuel Macron est tout de même venu à la rencontre des paysans inaugurer samedi le Salon de l'agriculture, pour une visite beaucoup plus courte que d'habitude.
Tout à la joie de cette 58e édition après une année blanche pour cause de pandémie, le monde agricole attendait de pied ferme un candidat à la présidentielle et une oreille attentive, dix ou douze heures durant, sur les grands enjeux de l'agriculture de demain: plus de bras, moins d'émissions carbone et une nourriture équilibrée respectant l'homme, l'animal et la nature.
Le salon, menacé encore il y a quelques semaines par la crise sanitaire, a été inauguré tôt samedi par un président pas encore candidat qui devait se cantonner, selon l'Elysée, à une "prise de parole devant les organisations agricoles et les représentants de filières".
Emmanuel Macron devait ensuite couper le traditionnel ruban sous le regard de Neige, la vache égérie de l'événement, qui a pris ses quartiers jeudi soir dans le parc des expositions de la porte de Versailles, avant que le Premier ministre Jean Castex ne prenne le relais pour faire le tour du salon, et défendre le bilan du quinquennat à six semaines du scrutin.
Alors que l'armée russe était déjà tout proche d'entrer dans Kiev, l'Elysée avait souligné qu'il était important qu'Emmanuel Macron vienne malgré tout inaugurer l'événement pour témoigner de l'"engagement" du président à l'égard des agriculteurs et par "tradition républicaine".
La ferme France attend de savoir "ce que le futur candidat va proposer comme vision de l'agriculture", a indiqué à l'AFP le président du salon Jean-Luc Poulain, même s'il sait que ce sera rapide "vu le contexte extérieur".
Parmi les candidats déclarés et selon un programme encore mouvant, sont attendus le communiste Fabien Roussel, la LR Valérie Pécresse, la socialiste Anne Hidalgo lundi, la candidate RN Marine Le Pen mercredi et son rival d'extrême droite Eric Zemmour en fin de semaine. L'insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui fustige l'agriculture "productiviste" représentée selon lui au salon, boude une nouvelle fois l'événement.
"C'est un salon particulier parce qu'il y a les élections présidentielles" et "parce qu'on est en crise de vocation": "On perd en gros 100.000 agriculteurs tous les dix ans et il est bien qu'il y ait un débat sur la vision du métier", souligne M. Poulain.
- Crainte de rétorsions russes -
Cette inquiétude fondamentale, qui interroge le modèle agricole français, est rejointe par la menace plus immédiate du conflit en Ukraine: les professionnels de l'alimentation redoutent des mesures de rétorsion russes en réaction aux sanctions occidentales, qui viendraient perturber les échanges.
La France est le neuvième fournisseur de la Russie en produits agroalimentaires, pour 780 millions d'euros par an, souligne l'association française de l'agro-industrie Ania.
Plusieurs grands groupes sont implantés en Ukraine, en particulier dans le secteur laitier, des céréales et des semences. Lactalis, qui aura un stand au salon, compte trois sites de production dans l'ex-république socialiste.
"En cas de risque dans les zones où des usines sont situées, nous demanderons l'arrêt de la production et le retour anticipé des salariés à leur domicile", explique le géant laitier.
La flambée des cours de l'énergie (y compris le gaz qui sert à fabriquer les engrais), des céréales et huiles végétales aura aussi des répercussions au niveau national. Les filières d'élevage sont très dépendantes des céréales pour nourrir les animaux, en particulier les volailles et les porcs. Leurs coûts de production avaient déjà bondi en 2021 (+30% pour le blé), sans que les prix de vente évoluent au même rythme.
Autre motif de tensions: le salon coïncide avec la clôture, le 1er mars, des négociations commerciales difficiles entre les agro-industriels et les supermarchés qui déterminent le prix des produits mis en rayon pendant l'année et, in fine, le revenu des agriculteurs.
Pour les visiteurs - ils étaient 630.000 en 2019 -, ce sera sans nul doute la joie d'une visite à la ferme: pas de volailles en raison de la grippe aviaire, mais force vaches, cochons, moutons ou lapins, à dévorer des yeux en dégustant des produits du terroir, à condition de rester masqué en déambulant.
J.Chacko--DT