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Avec son parfum entêtant et sa couleur aussi sombre que les mystères qui l'entourent, la truffe noire prend de plus en plus de place dans les cuisines, séduisant un public élargi, tout en gardant son image de mets haut de gamme.
La "tuber melanosporum" semble se démocratiser peu à peu, en n'étant plus seulement réservée aux tables des restaurants gastronomiques. Pas question pour autant de dévaloriser un produit synonyme d'"excellence" pour le chef étoilé Thierry Marx.
"Ce qu'il faut faire c'est initier à la truffe, enseigner l'art de la culture de la truffe et de sa dégustation, explique-t-il à l'AFP. Mais s'il doit y avoir une démocratisation, c'est celle-là, plutôt que d'essayer de la tirer vers le bas et d'avoir une massification."
Sur le marché de Lalbenque, dans le Lot, où le cours de la truffe varie d'une semaine sur l'autre au gré des quantités, Alain Ambialet remarque de plus en plus de particuliers parmi les acheteurs, depuis le début de la pandémie et les fermetures prolongées des restaurants.
- Tractations discrètes -
"Je pense que certains découvrent, hésitent un peu, mais font confiance. On contrôle ce que les gens apportent" pour garantir un produit d'exception, précise M. Ambialet, président de la Fédération française de trufficulture.
Ce mardi-là, 56 vendeurs des alentours exposent des truffes dont le prix moyen tourne autour de 600 euros le kilo.
Parmi eux, un commercial à la retraite sourit derrière son masque. Ses deux paniers de 500 grammes, tapissés de tissu à carreaux rouge et blanc, ont trouvé preneurs avant même le coup de sifflet annonçant le début officiel des tractations. En quelques minutes, les liasses de billets passent de main en main.
Quatre jours plus tôt, ce presque septuagénaire ne cachait pas sa satisfaction en parcourant sa truffière blanchie par le givre.
Sa petite chienne noire Réglisse, une lagotto croisée de pinscher, furetait sous les noisetiers de Byzance et les chênes pubescents, plantés en 2006. Comme s'il s'agissait d'un jeu, elle plongeait son museau dans la terre dès que son odorat entraîné détectait une truffe.
Ce Lotois, qui consacre une quinzaine d'heures par semaine à la trufficulture, savoure la complicité avec le chien, et "la surprise" que réserve cet "or noir" si particulier.
"On peut être très déçu des fois, mais quand on en trouve, on est content. C'est un peu comme chercher les champignons", glisse cet homme. Il préfère ne pas dévoiler son nom car "la truffe, pour certains, c'est comme un trésor, donc il vaut mieux rester discret".
Pour ce qui est de la consommer, il prône la simplicité. "Le beurre truffé est très bon", affirme-t-il, à propos des produits dérivés qui se multiplient.
- Quête de l'équilibre -
Florence Grimm, gérante d'une épicerie fine au coeur de Toulouse, en a quelques échantillons dans sa boutique. Elle y voit une bonne porte d'entrée pour faire découvrir ce produit à une clientèle plus jeune.
"Ils sont parfois venus à la truffe par un paquet de chips aromatisées, une moutarde, un sel, et se disent : +Allons voir comment est vraiment cette truffe+", précise cette commerçante installée depuis 2008.
Dans sa conserverie de Caussade en briquettes rouges, à quelques encablures de Lalbenque, Jean-Luc Clamens partage cet avis en privilégiant "l'équilibre" pour ce produit au goût très prononcé.
"Les arômes, ça a amené beaucoup de personnes à la truffe. Finalement, ça n'est pas une mauvaise chose puisque si on arrive à les faire venir vers la truffe, ils vont toujours essayer de se perfectionner et d'aller petit à petit vers un équilibre", estime le gérant de la Maison Gaillard, institution réputée fondée en 1906.
Pour M. Clamens, dont 60 à 70% de la production s'exporte vers le Japon, les Etats-Unis ou encore les pays du Golfe, cet intérêt du grand public doit se traduire par un usage adéquat.
"La truffe s'utilise beaucoup à l'italienne, en râpé sur des plats. Mais la truffe ce n'est pas du tout ça! C'est un super condiment qui s'allie bien avec des corps gras", lance-t-il, tout en triant ses "diamants noirs" à l'arôme sans pareil.
I.Mansoor--DT