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La déontologie journalistique a été passée à la loupe vendredi lors du procès en diffamation intenté par les ex-LFI Raquel Garrido et Alexis Corbière, accusés dans un article du Point en 2022 d'avoir employé une femme de ménage sans papiers.
Le tribunal correctionnel de Paris rendra sa décision le 12 mai.
"Vous avez une source unique qui est frelatée, des faits non vérifiés, un contradictoire qui est une farce: cette enquête ne tient tout simplement pas debout!" a fustigé dans sa plaidoirie l'avocat des parties civiles.
"Juger de la qualité de cette enquête, c'est comme jouer au jeu des sept erreurs", a poursuivi Me Xavier Sauvignet, qualifiant de "buzz organisé" l'article du Point.
Ce dernier avait été publié en ligne le 21 juin 2022 avec la mention "Exclusif" et s'intitulait: "L'employée sans papiers de Raquel Garrido et Alexis Corbière".
Le journaliste Aziz Zemouri y mettait en cause les deux membres du couple, tous deux alors députés LFI de Seine-Saint-Denis, les accusant d'exploiter une femme de ménage sans papiers qu'ils auraient par ailleurs "soumise à des cadences infernales".
L'article affirmait également que les députés, résidant à Bagnolet, scolarisaient leurs enfants à Paris.
Dès le lendemain, l'hebdomadaire avait retiré l'article de son site et admis publiquement son caractère "faux" et "mensonger".
Aziz Zemouri, qui a quitté l'hebdomadaire après cette affaire, avait aussi présenté ses "excuses les plus sincères", estimant avoir été "victime d'une manipulation".
"Le contradictoire est une farce" dans cette affaire, a dénoncé Me Sauvaget, rappelant qu'Aziz Zemmouri n'a contacté qu'une seule fois par SMS les députés tout juste élus, avant la publication de son article, leur demandant s'ils comptaient régulariser la situation de leur femme de ménage.
A son tour, le procureur de la République a évoqué "un manquement à la prudence" et des informations qui n'ont pas été vérifiées comme elles auraient dû l'être.
"Il s'est fait avoir! Tout a été fabriqué pour que ça ressemble à quelque chose qui soit totalement vrai", a soutenu Me David-Olivier Kaminski dans sa plaidoirie en défense.
L'avocat du reporter a défendu le professionnalisme de son client, un journaliste "qui est connu de tous pour sa probité professionnelle".
"Même les meilleurs se font avoir", a conclu le conseil d'Aziz Zemouri avant de demander la relaxe.
- "Vérifier l'information" -
L'ancien journaliste du Point a toujours affirmé devant les enquêteurs avoir été dupé par une de ses sources, un policier qui lui a donné le tuyau de la femme de ménage sans papiers.
Les investigations ont ensuite permis de remonter jusqu'à Rudy Succar, un ex-chauffeur de Jean-Christophe Lagarde, député sortant et candidat UDI opposé à Raquel Garrido.
Après plusieurs interrogatoires, l'ex-chauffeur avait reconnu s'être fait passer pour la femme de ménage auprès du journaliste sur demande pressante voire "obsessionnelle" de Jean-Christophe Lagarde, car celui-ci aurait voulu obtenir un élément compromettant contre sa concurrente. L'ex-député a dénoncé les mensonges "les plus absolus et les plus absurdes".
A l'audience, Raquel Garrido a regretté l'absence des deux prévenus, l'auteur de l'article, mais aussi le directeur de la publication du Point, Étienne Gernelle, tous deux responsables selon elle d'une "des pires fake news de l'histoire politique moderne".
Dénonçant un travail bâclé et un article politique, Raquel Garrido a rappelé à la barre que d'autres journalistes ont très vite démonté l'enquête du Point.
"Il suffit de poser la question à n'importe qui à Bagnolet, c'est un village, tout le monde sait où on habite et où nos enfants vont à l'école et lui le grand reporter il n'a pas été capable de le faire!", a ironisé l'ancienne députée.
"Comment est-il possible qu'un grand hebdomadaire publie cela ?", s'est interrogé Alexis Corbière à la barre. "La différence entre un blogueur, un influenceur et un journaliste, c'est le fait que le journaliste, normalement, vérifie l'information", a poursuivi le député, qui siège aujourd'hui avec les écologistes.
Dans l'autre volet de l'affaire, Jean-Christophe Lagarde, Rudy Succar et Noam Anouar, le contact policier d'Aziz Zemouri, sont mis en examen notamment pour escroquerie en bande organisée. Aziz Zemouri est lui partie civile aux côtés du couple Garrido-Corbière.
A.Hussain--DT