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Interview exclusive, scoops et petits privilèges: Donald Trump et Fox News, étendard des conservateurs à la télé américaine, vivent pleinement leur nouvelle idylle depuis l'investiture du républicain. Un mariage de raison pour deux parties dont les relations ont connu des hauts et bas.
"Nous sommes de retour au travail. C'est fini d'encaisser les chèques en pyjama", lance l'un des animateurs vedettes de la chaîne Jesse Watters lors du talk-show "The Five", en visant l'administration Biden. "C'est drôle de voir les démocrates et les médias au fond du trou et juste dépassés. Regardez de quoi ce gouvernement est capable ! Je suis revigoré", s'enthousiasme-t-il.
Depuis lundi, Donald Trump est revenu à la Maison Blanche et Fox News, première chaîne d'info du câble, en tire les bénéfices.
La chaîne de la famille Murdoch a eu le privilège de diffuser la première interview du président depuis le Bureau ovale.
L'exercice, enregistré, a été confié à Sean Hannity, pilier de Fox News réputé si proche de Donald Trump qu'il portait le surnom de "chef de cabinet fantôme" de la Maison Blanche lors du premier mandat.
- "sur Fox" -
Les journalistes accrédités à la présidence découvrent eux de nouveaux usages. "Je viens d'en parler sur Fox", leur lance mercredi la porte-parole de Donald Trump, Karoline Leavitt, quand elle est interrogée sur les critiques d'Elon Musk après un investissement géant annoncé par le président. C'est un journaliste de "Fox" qui a pu révéler le contenu de la fameuse lettre laissée à l'intention de Donald Trump par Joe Biden dans son bureau.
En journée, la chaîne se concentre sur l'info, avec ses journalistes sur le terrain. Le soir, ses animateurs vedettes font l'éloge du président, entre des publicités pour le livre souvenir de Donald Trump, "Save America", ou un vin cuvée spéciale "45/47", comme le 45e et 47e président de l'Amérique.
Rien de surprenant aux yeux d'experts des médias. Donald Trump s'en prend aux "ennemis du peuple" comme CNN ou le New York Times, mais "il veut un canal pour parler à son électorat et au peuple +MAGA+ ("Make america great again") et c'est là (sur Fox News) qu'ils vont chercher leurs informations", souligne Jeffrey McCall, professeur de communication à l'Université DePauw.
La Maison Blanche cherche "les intervieweurs les plus sympathiques", ajoute l'universitaire, qui décrit un mariage de raison. "Fox a besoin d'audience, Trump a besoin d'un relais pour son message", résume-t-il.
Interrogée par l'AFP, la chaîne fait valoir ses scores d'audience. Avec 71% des parts de marché en soirée sur les chaînes d'info du câble depuis l'élection, Fox News a encore creusé l'écart sur ses concurrentes CNN et MSNBC. Elle revendique même la première place parmi les démocrates et indépendants qui ont regardé l'investiture sur une chaîne d'info.
- imprévisible -
Podcasts, réseaux sociaux, les moyens de contourner les médias traditionnels ne manquent pas. Mais Donald Trump, 78 ans, est un grand consommateur de télévision à l'ancienne.
"Fox News, contrairement à l'univers des podcasts, a beaucoup de poids auprès des élites du Congrès", souligne aussi Reece Peck, professeur à l'université de New York, et auteur de "Fox Populism".
Combien de temps durera la romance ?
A l'image de sa relation avec Rupert Murdoch, souvent tumultueuse, "Trump n'a pas toujours eu les meilleurs rapports avec Fox News", rappelle Jeffrey McCall.
Le républicain fustige régulièrement la chaîne, par exemple quand elle avait attribué, au soir de l'élection présidentielle de 2020, la victoire à Joe Biden dans l'Etat de l'Arizona, ou l'accusant d'être "trop molle" avec Kamala Harris pendant la dernière campagne. Ses chroniqueurs avaient pris leur distances après la violente attaque du Capitole par les partisans de Donald Trump en 2021. Des assaillants presque tous graciés, ou dont les peines ont été commuées cette semaine par le nouveau président.
"On ne peut pas vraiment prédire comment la relation entre Trump et les médias va se développer", estime Mark Lukasiewicz, doyen de l'école de communication à l'université Hofstra.
Seule certitude à ses yeux, "la seconde administration Trump est beaucoup plus puissante et enhardie que la première, et les garde-fous traditionnels, dans les médias ou au Congrès, qui s'opposaient à ses tendances les plus extrêmes, semblent avoir largement disparu".
"Les lignes ont bougé, on ne sait pas jusqu'où", conclut-il. Fox News avait payé une addition faramineuse pour s'être fait l'écho des thèses du camp Trump sur des fraudes, jamais prouvées, lors de l'élection de 2020, en versant 787 millions de dollars pour s'éviter un procès en diffamation d'un fabricant de machines de vote au centre des accusations.
D.Farook--DT