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Elle ne dégainera plus ses pochoirs mais ses silhouettes de femmes brunes, fortes, belles et poétiques interpelleront toujours les passants dans les rues: Miss. Tic, figure pionnière du street art parisien, est décédée dimanche à l'âge de 66 ans.
Sa mort, survenue à Paris des suites d'une maladie, a été annoncée par sa famille à l'AFP. Sur ses réseaux sociaux, la nouvelle est accompagnée d'une photo de la poète et plasticienne dans son atelier.
Datée de mars 2022, le cliché montre l'artiste, régulièrement exposée en France et à l’étranger depuis 1986, souriante derrière ses lunettes rondes, les cheveux courts et gris.
Le grand public, lui, retiendra sûrement la chevelure noire -- qu'elle a elle-même longtemps arborée -- de ses héroïnes graphées au pochoir sur les murs de la capitale notamment, qui ont ouvert la voie à de nombreux artistes.
"J'avais beaucoup de respect pour son parcours", souligne sur Twitter Christian Guémy, alias C215, une autre figure du street art français
Il salue "l'une des fondatrices du l'art du pochoir", partie "trop tôt". "Les murs du 13e (arrondissement, ndlr) ne seront plus jamais les mêmes", déplore-t-il.
Son confrère de 65 ans, Jef Aerosol, a quant lui pleuré sur Instagram sa contemporaine, qui "s'est battue contre la maladie avec tant de courage", évoquant "tant de moments partagés depuis le début des années 80".
Née d'un père immigré tunisien et d'une mère normande, Radhia Novat, de son vrai nom, commence à imprimer son art en 1985 dans les rues de la Butte-Montmartre -- où elle a grandi --, du Marais, de Montorgueil et de la Butte-aux-Cailles, après un séjour en Californie.
"Je venais du théâtre de rue, j'aimais cette idée de l'art dans la rue", expliquait en 2011 à l'AFP cette femme au teint mat, qui a emprunté son pseudonyme à la sorcière Miss Tick de "La bande à Picsou", créée par Carl Barks.
- "Mots coeurs" -
"Je me suis dit d'abord: +Je vais écrire des poèmes+. Puis: +Il faut des images+ avec les poèmes. J'ai commencé par des autoportraits, puis j'ai continué vers les autres femmes", ajoutait celle qui accompagnait ses oeuvres de légendes incisives comme "J'enfile l'art mur pour bombarder des mots coeurs", pour son premier portrait sur un mur du 14e arrondissement, ou "l'homme est un loup pour l'homme et un relou pour la femme".
"J'utilise beaucoup la femme contemporaine, celle qu'on nous donne à voir dans la mode, la publicité. Parfois, ce n'est pas très bien compris, alors qu'on peut être jeune et jolie et avoir des choses à dire. Mais c'est vrai qu'on nous vend ce qu'on veut avec de belles filles. Du coup, je me suis dit: +Je vais mettre des femmes pour leur vendre de la poésie+", poursuivait cette fumeuse impénitente.
Ses débuts sont marqués par de longues années de galère et des ennuis avec la justice, le tag ou le pochoir étant considérés comme une détérioration de biens. Son arrestation pour ce motif en 1997 lui vaut une amende.
Après cet épisode, elle négocie les espaces urbains où elle souhaite travailler, refusant d'être prise pour une délinquante.
Son art, éphémère ou pérenne, attire les grandes marques dans les années 2000, notamment dans le milieu de la mode, où elle collabore avec Kenzo, pour un t-shirt en tirage limité, ou Louis Vuitton.
Elle signe en 2007 l'affiche du film "La fille coupée en deux", de Claude Chabrol, participe à l'édition 2010 du Petit Larousse en illustrant des mots de la langue française et crée une collection de timbres avec la Poste à l'occasion de la journée des droits des femmes en 2011.
Certaines de ses oeuvres ont été acquises par le Victoria and Albert Museum, à Londres, et le Fonds d'art contemporain de la Ville de Paris.
Elle sera d'ailleurs l'une des artistes exposés à l'automne à l'Hôtel de Ville de Paris, à l'occasion d'une exposition retraçant 40 ans d'art urbain dans la capitale.
La date de ses funérailles, "qui seront, selon ses souhaits, ouvertes aux publics", sera précisée ultérieurement, selon son compte Facebook officiel.
O.Mehta--DT