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Papy Kalume, 47 ans, tire de son sac une nouvelle "Gillette": une lame de rasoir fraîche pour chaque client, c'est la règle dans le salon de fortune de ce coiffeur, qui officie tous les jours de la semaine sur un trottoir poussiéreux de Kinshasa.
La "Gillette" est le terme couramment employé pour désigner l'outil principal des nombreux coiffeurs de rue de la capitale congolaise.
La lame de rasoir est posée sur un peigne, au niveau des dents les plus grosses pour éliminer une épaisseur de cheveux raisonnable, sur les plus fines pour une coupe plus radicale.
La technique est généralement éprouvée par des heures d'entraînement sur la tête des gamins du quartier ou de proches indulgents.
Devant le miroir fendu de Papy Kalume, une dizaine de clients quotidiens, des hommes uniquement, s'installent sans chichis sur la chaise de bureau dont il ne reste plus que la carcasse en métal et qui fait office de fauteuil de coiffure.
L'opération est réalisée en une poignée de minutes.
Quelques coups d'éponge en mousse sur les épaules pour débarrasser les chutes de cheveux, une bonne dose d'alcool aspergée sur le crâne en cas de coupures malencontreuses, suivie de deux ou trois claques de talc.
"Il faut maîtriser la lame pour bien coiffer", explique à l'AFP Papy Kalume. "La Gillette peut vite blesser."
Le tout est facturé l'équivalent de 0,65 euro (2.000 francs congolais). Imbattable.
"On gagne le pain que Dieu nous donne", dit tranquillement Papy Kalume.
Dans le salon de coiffure situé à quelques encablures, la coupe coûte environ 30 fois plus cher. L'endroit est souvent désert.
- "Les tracasseries" -
Ce coiffeur de rue fait partie des milliers de Congolais vivant de petits boulots.
Dans ce quartier administratif de la capitale congolaise, des jeunes garçons appelés les "petits cireurs" font claquer leurs brosses en bois pour appâter les clients.
Aux carrefours, des vendeurs de café poussent leur charriot au bord des routes souvent défoncées de Kinshasa.
D'autres se faufilent entre les voitures, transportant sur la tête des litres d'eau vendus pour quelques billets aux conducteurs assoiffés du grand boulevard constamment congestionné.
Près de la moitié de la population congolaise est sans emploi, selon le ministère du Plan. Et parmi la population active, "seulement 4% sont employés dans l'économie formelle, 72% œuvrent dans l'économie informelle", selon un rapport de l'Organisation internationale du travail de 2021.
Le secteur informel dans le pays de quelque 100 millions d'habitants, classé parmi les cinq plus pauvres au monde, était estimé à 41,8% du PIB en 2022, selon une étude publiée en mai par l'Institute for Security Studies (ISS) à Pretoria, soit le taux le plus important en Afrique après le Zimbabwe (54,5%) et la Tanzanie (45,6%).
Papy Kalume a eu un emploi déclaré pendant quelques années dans un salon de coiffure ordinaire.
Mais entre le salaire calculé au pourcentage sur chaque client (environ 30%) et les taxes, il a trouvé plus rentable de s'installer "à son compte", malgré les "tracasseries" - une expression utilisée dans le pays pour faire référence aux pourboires régulièrement réclamés par la police en cas d'infraction plus ou moins avérée.
"Dans la rue, on est exposé, les intempéries, la pluie", énumère le coiffeur, qui ouvre rigoureusement du lundi au samedi, de 06H00 à 17H00.
Et "c'est un marché pirate", soupire-t-il, racontant devoir glisser régulièrement quelques billets pour éviter l'expulsion du bout de trottoir qu'il occupe.
Z.W.Varughese--DT