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Porté par la brise, un parfum envoûtant de chocolat enveloppe régulièrement le quartier de Kamionek à Varsovie, où siège depuis près d'un siècle l'imposante usine Wedel, le plus célèbre confiseur de Pologne réputé pour ses délices.
L'usine aux murs blancs a produit du chocolat pour plusieurs générations de Polonais, survivant à la Seconde Guerre mondiale et aux transformations politiques, ses friandises devenant au fil du temps une partie intégrante de l'identité nationale.
Habituellement fermée au public, à l'exception de rares visites scolaires, l'usine a ouvert ses portes aux visiteurs en inaugurant cet automne un musée du chocolat.
"Fascinée par les légendes qui entourent l'usine", Anna Szczepanik a sauté sur l'occasion pour s'y rendre.
Sa grand-mère y travaillait et elle se souvient avoir joué, enfant, avec sa collection d'emballages de chocolat.
"L'histoire de Wedel, c'est un peu l'histoire de la plupart des Varsoviens", explique Mme Szczepanik à l'AFP tout en dégustant du chocolat versé sur sa gaufre directement depuis un robinet.
Sans être un géant du chocolat comme certaines marques belges ou suisses, l'enseigne polonaise Wedel est apparue au milieu du XIXe siècle, ce qui en fait l'une des plus anciennes du pays.
- "Le goût de l'enfance" -
A l'intérieur du musée, les visiteurs s'arrêtent devant une maquette de l'usine faite exclusivement de chocolat et peuvent suivre en temps réel la chaîne de production.
De l'autre côté d'une paroi de verre séparant le musée de l'usine, des ouvriers remuent des chaudrons géants remplis d'une pâte au sésame qui sera bientôt transformée en barres de "chalwa", une friandise très appréciée en Pologne.
Dans une autre pièce, les visiteurs passent à côté des femmes qui confectionnent des douceurs prêtes à être envoyées aux clients.
Tout en trempant son doigt dans du chocolat, un visiteur, Krzysztof Darewicz, qui se déclare lui-même "chocoholique", confie à l'AFP que les délices de chez Wedel représentent pour lui "le goût de son enfance".
Sans dévoiler des recettes soigneusement gardées en secret, l'exposition parle aussi des "renifleurs", un groupe d'élite d'une vingtaine de personnes qui sont tenues de mener un mode de vie particulièrement sain pour pouvoir tester et sentir le chocolat.
Tout en racontant l'histoire du point de vue de l'entreprise, l'exposition aborde aussi l'aspect controversé des rapports entre l'industrie européenne du chocolat et les pays africains producteurs de cacao, en commençant par les fermes ghanéennes où Wedel se procure ses fèves.
- "Lien émotionnel" -
Ouverte en 1937, l'usine est profondément ancrée dans l'histoire de la capitale polonaise où elle fait partie des plus anciens lieux de travail qui fonctionnent sans interruption.
"Les gens non seulement la connaissent mais ils la reconnaissent aussi grâce à son doux parfum", souligne à l'AFP le directeur du musée, Robert Zydel.
La marque Wedel, dont l'histoire remonte à un siècle et demi, a assuré une certaine continuité à travers des époques extrêmement tumultueuses.
"De nombreuses personnes gardent un lien très émotionnel avec cette marque", indique M. Zydel.
Tout a commencé avec le confiseur berlinois Karl Wedel qui, dans les années 1850, a ouvert à Varsovie une confiserie rapidement devenue célèbre.
Son fils Emil a développé l'entreprise familiale en ouvrant une chocolaterie dans le centre-ville, mais c'est le petit-fils, Jan Wedel, qui a été le véritable visionnaire.
C'est lui qui a pris la relève dans la période entre les deux guerres et ouvert l'usine actuelle, tel un Willy Wonka polonais, rappelant le personnage de fiction du célèbre roman Charlie et la Chocolaterie.
"Il larguait des bons depuis un avion pour que les gens les ramassent et les échangent contre du chocolat", raconte M. Zydel.
A la recherche du produit parfait, il a fait le tour des confiseries européennes, ce qui l'a conduit à créer Ptasie Mleczko ("lait d'oiseau"), une mousse rectangulaire recouverte de chocolat, un des produits phares de Wedel.
- "royaume perdu" -
Son rêve a pris fin avec l'arrivée du pouvoir communiste de l'après-guerre, qui a nationalisé l'usine et l'a mis à la porte.
"La légende dit qu'il avait l'habitude de s'asseoir sur un banc pour contempler son royaume perdu", raconte M. Zydel en désignant du doigt le grand parc Skaryszewski qui borde l'usine.
Les communistes ont changé le nom de la marque en "22 juillet" en l'honneur de leur Constitution, mais il n'a pas survécu à la chute du régime.
Après 1989, l'entreprise a changé de propriétaires et fait maintenant partie du groupe sud-coréen LOTTE.
Mais pour les habitants de Varsovie, les chocolats Wedel sont restés les mêmes.
À l'extérieur de l'usine, Danuta Katkowska sirote une tasse de chocolat noir à la cerise.
Cette sage-femme à la retraite se souvient que le chocolat de Wedel a adouci certaines périodes de sa vie: "Leurs biscuits changeaient tout".
Elle n'avait pas prévu de visiter le musée, mais ses papilles l'y ont conduite.
"Je passais juste devant, mais l'odeur m'a attirée et maintenant je dois y aller".
J.Chacko--DT