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Des résistants, dont André Malraux, y ont été enfermés derrière les hauts murs recouverts de galets: 80 ans après la Libération de Toulouse, son ancienne prison Saint-Michel est finalement fixée sur son sort, après un long combat pour sa conservation.
Alors que les derniers détenus sont partis depuis plus de quinze ans, l'Etat a remis mi-juillet les clés de l'établissement à la cour d'appel de Toulouse, pour y installer une future "cité judiciaire", extension du palais de justice à quelques centaines de mètres.
"Cette prison représente la souffrance politique des gens face à une idéologie totalitaire", rappelle, solennelle, Michèle Cros-Dupont, 76 ans, secrétaire du comité de quartier et fille de résistant. "Raser ce lieu, ça aurait été comme raser leur mémoire", ajoute-t-elle.
D'autant qu'à Toulouse, les traces de l'Occupation "sont seulement ancrées dans la mémoire et dans la cour de la prison Saint-Michel", insiste David Madec, directeur des musées et des monuments de la ville rose.
Construite à la fin du XIXe siècle, la prison a été le premier établissement carcéral français bâti sur le modèle du panoptique, permettant à un seul gardien de surveiller depuis un point central toutes les cellules de son étage.
Dans les années 1940, le régime de Vichy y incarcère d'abord tous ceux qu'il considère comme ennemis à sa "Révolution nationale" puis à partir de 1942 l'occupant nazi y rassemble les résistants arrêtés à Toulouse et dans neuf départements voisins.
Plusieurs figures majeures de la Résistance, comme Marcel Langer, chef de la brigade régionale des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - main d'oeuvre immigrée) y ont été exécutées.
Et c'est également de là que s'échappent l'écrivain André Malraux et ses camarades alors que Toulouse est en train de se libérer, le 19 août 1944.
Depuis, des cérémonies d'hommage sont organisées chaque année à cette date dans la cour du "Castelet", nom de l'entrée de la prison à l'allure étonnante de château fort en briques rouges, un espace devenu musée en 2020.
- Des pigeons pour pensionnaires -
Cette année et jusqu'au 5 janvier 2025, l'exposition permanente en son sein est accompagnée de mangas géants sur le thème de la Libération, réalisés par des étudiants de l'Ecole internationale de manga et d'animation (EIMA) de Toulouse, afin de transmettre plus facilement aux plus jeunes cette histoire.
Après la guerre, la vie de la prison y a repris son cours, avec ses "parloirs sauvages" et ses tentatives d'évasion, au grand dam des habitants réunis en comité de quartier puis en association contre ces nuisances.
"On est même allés visiter la prison: leurs conditions de vie étaient minables, les cellules surchargées...", se souvient Louis Ambid, l'un des fondateurs de l'association, 80 ans aujourd'hui.
Dans les années 2000, face à la vétusté du lieu, le transfert des détenus est décidé vers Seysses, en banlieue sud. L'Etat envisage alors de vendre le terrain.
Les habitants, auparavant remontés contre la présence de la prison, décident alors... de prendre sa défense pour la conserver. "On était des gens curieux, capables de voir la qualité de son patrimoine architectural", explique M. Ambid.
Des manifestations sont organisées et une pétition lancée pour l'inscrire aux monuments historiques. Mais seul le Castelet est protégé, pas le reste de la prison.
Plusieurs projets de transformation circulent: école de commerce, cité de la musique ou collège... Ce sera donc finalement une cité judiciaire.
Sur place, les briques rouges bien entretenues du Castelet contrastent avec les murs décrépits de la prison et ses cours envahies de mauvaises herbes.
Le bâtiment, dont les pigeons sont aujourd'hui seuls pensionnaires, n'a pas changé depuis sa fermeture. Sur les murs des cellules, les graffitis des détenus y sont toujours lisibles: "Raison d'être, d'être en vie, et de ne pas la subir", "gueuler sa rage et son envie de vivre"...
Un concours d'architectes sera lancé d'ici 2025 et les travaux de rénovation et d'adaptation du site à sa nouvelle fonction devraient débuter en 2028.
D.Farook--DT