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Un symbole pour la liberté d'expression: le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, qui a réussi à fuir clandestinement le régime de Téhéran, a été ovationné debout avant la projection à Cannes de son film en lice pour la Palme d'or.
Poursuivi par le régime iranien qui l'a privé de son passeport et condamné à des années de prison, Rasoulof présente "Les graines du figuier sauvage", un film tourné clandestinement et dont une partie de l'équipe est restée en Iran.
Sur le tapis rouge puis dans la salle, Mohammad Rasoulof a brandi les photos de deux de ses acteurs principaux, Missagh Zareh et Soheila Golestani.
Il a monté les marches aux côtés de l'actrice iranienne Golshifteh Farahani, qui vit en exil en France depuis une quinzaine d'années. Il était aussi accompagné de sa fille Baran, un passage de témoin symbolique puisque c'est cette dernière qui avait reçu l'Ours d'or à Berlin au nom de son père, interdit de quitter son pays, il y a quatre ans.
Après avoir bravé pendant des années la censure, Rasoulof a été condamné en appel à huit ans de prison dont cinq applicables. Pour ne pas retourner derrièree les barreaux, il a dû se résoudre à l'exil, au prix d'une dangereuse fuite clandestine vers l'Europe.
"Quand je traversais la frontière, je me suis retourné, j'ai lancé un dernier regard à ma terre natale et je me suis dit +j'y retournerai+", a déclaré le réalisateur, invité jeudi sur le plateau de l'émission "C ce soir". "Je pense que tous les Iraniens qui ont dû partir en raison de ce régime totalitaire gardent une valise prête chez eux, dans l'espoir que les choses s'améliorent".
Mohammad Rasoulof n'avait pas mis les pieds à Cannes depuis 2017 et le prix Un certain regard pour "Un homme intègre", sur la corruption. Il n'avait pas pu venir l'an dernier, comme membre du jury de cette section parallèle.
Son nouveau film, "Les Graines du figuier sauvage", promet de déranger encore le pouvoir, racontant l'histoire d'un juge d'instruction sombrant dans la paranoïa, au moment où d'immenses manifestations éclatent dans la capitale Téhéran.
Soutien des cinéastes
En l'accueillant en personne, le 77e Festival envoie un signal "à tous les artistes qui, dans le monde, subissent violences et représailles dans l'expression de leur art", a souligné le délégué général du festival, Thierry Frémaux, à l'AFP. Et, plus largement, aux opposants au régime en place en Iran, où la répression ne cesse de s'accentuer.
Amnesty International affirme que l'Iran, secoué par un mouvement de contestation fin 2022 après la mort de la jeune Mahsa Amini, a exécuté 853 personnes en 2023, le nombre le plus élevé depuis 2015.
Les cinéastes sont régulièrement accusés de propagande contre le régime, dans un pays où les conservateurs concentrent tous les pouvoirs. Une donne peu susceptible d'évoluer après la mort récente du président Ebrahim Raïssi dans un crash d'hélicoptère.
Les festivals internationaux et la caisse de résonance qu'ils offrent sont une forme de reconnaissance importante pour les cinéastes iraniens aux prises avec le régime, à l'image de Jafar Panahi ("Taxi Téhéran") ou Saeed Roustaee ("Leila et ses frères"), régulièrement sélectionnés, malgré la répression qu'ils subissent.
Une série de personnalités du cinéma ont exprimé leur soutien à Mohammad Rasoulof dans une lettre ouverte, dont l'actrice iranienne réfugiée en France Zar Amir Ebrahimi et celle de "Anatomie d'une chute", Sandra Hüller, ou encore des cinéastes comme Fatih Akin, Agnieszka Holland et Laura Poitras, ainsi que deux prétendants à la Palme d'or 2024, Payal Kapadia et Sean Baker.
Outre "Les graines du figuier sauvage", le jury de Greta Gerwig visionne également vendredi le dernier des 22 opus de la compétition, "La plus précieuse des marchandises", de Michel Hazanavicius ("The Artist"), qui évoque la Shoah.
Le palmarès est attendu samedi soir.
R.Mehmood--DT