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Les messageries WhatsApp et Telegram ont été épargnées, pour l'instant, par les blocages des autorités russes qui ont frappé leurs concurrents étrangers, mais demeurent en sursis, selon des experts.
Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, Facebook, Twitter et Instagram ont été successivement désactivés en Russie, tandis que TikTok a, de lui-même, suspendu la possibilité de télécharger de nouveaux contenus.
Les blocages ont été réalisés en application de deux textes encadrant strictement les informations diffusées sur la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie. Ces derniers ont été adoptés par le Parlement russe et ratifiés par le président Vladimir Poutine début mars.
La propagation d'informations visant à "discréditer" les forces armées russes est désormais passible de 15 ans de prison. Les "appels à imposer des sanctions à la Russie" sont également passibles de poursuites, selon les textes.
"Je pense que c'est peu probable que la Russie banisse Telegram, parce qu'ils manquent de plateformes sur lesquelles opérer", estime Sergueï Sanovich, chercheur à l'université de Princeton.
Critiquée pour l'insuffisance de modération de ses contenus, même si elle assure y consacrer plusieurs centaines de ses employés, la messagerie offre ainsi l'un des rares canaux majeurs aux discours pro-russes qui sont encadrés sur les autres grands réseaux sociaux étrangers.
Devenu une destination privilégiée depuis le début de la guerre, Telegram indique enregistrer, depuis trois semaines, 2,5 millions de téléchargements quotidiens.
Sans compter que le gouvernement s'est déjà essayé, sans succès, à bannir l'application en 2018, après que ses dirigeants ont refusé de communiquer certaines données d'utilisateurs.
"C'est très difficile de bloquer Telegram", prévient Enrique Dans, professeur spécialisé dans les systèmes d'information à l'IE Business School de Madrid. Conscient de son échec après avoir pourtant bloqué les adresses du site, la Russie avait levé les sanctions en 2020.
- YouTube le prochain? -
Mais les spécialistes préviennent que si Telegram finissait par céder, le gouvernement pourrait mettre la main sur une partie des échanges entre utilisateurs car leur cryptage n'est pas activé par défaut.
En revanche, "en améliorant sa sécurité et en adoptant le chiffrement de bout en bout", WhatsApp a, lui, "protégé sa plateforme de risques juridiques et de possibles demandes d'accès à ses contenus", avance Alp Toker, directeur du site de veille internet NetBlocks.
Le régulateur russe des télécoms "Roskomnadzor s'est surtout inquiété des chaînes, de l'information et des moyens de la diffuser à un grand nombre de gens, ce qui est moins efficace sur WhatsApp", selon Eva Galpering, directrice de la cybersécurité pour la fondation EFF (Electronic Frontier Foundation).
Du fait de son modèle restreint à la messagerie, WhatsApp apparaît relativement préservée des autorités russes, mais cela pourrait changer s'il était massivement utilisé par la contestation et les opposants.
Mais "à mesure que les réseaux sociaux disparaissent, la dynamique pourrait changer et les messageries devenir la prochaine cible", avertit Alp Toker.
WhatsApp est l'une des applis les plus populaires en Russie, avec 67 millions d'utilisateurs fin 2021, selon le cabinet Insider Intelligence, soit plus que Telegram (28) ou même que VK (63), le réseau social russe de référence.
Avant les messageries, pourrait venir le tour de YouTube, qui a été accusé vendredi d'être "anti-russe" par Roskomnadzor.
"Ils ont du mal à contrôler YouTube en termes de censure", selon Sergueï Sanovich, et les récentes décisions" du service de vidéo en ligne de suspendre les chaînes liées aux médias proches du gouvernement, "ont diminué sa valeur comme outil de propagande."
Pour autant "déclarer la guerre à YouTube reviendrait à s'attaquer à tout le groupe", souligne Alp Toker, or "Google est un acteur économique majeur et une connexion importante au monde extérieur."
G.Gopinath--DT