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Une plaque à l'entrée d'un hôpital délabré et de vieilles images en noir et blanc sont les seuls souvenirs restant de la visite de la reine Elizabeth II il y a 68 ans à Aden, ancienne ville coloniale du sud du Yémen dévastée par la guerre.
La plaque usée, portant des inscriptions en arabe et en anglais, rappelle que la première pierre de l'hôpital d'Al-Joumhouria a été posée par la défunte reine d'Angleterre en avril 1954, moins d'un an après son couronnement.
L'état de délabrement de cet hôpital public, ainsi que celui des autres vestiges de la colonisation britannique à Aden, contrastent avec les images d'archives de cette visite.
Dans une séquence diffusée par Pathé, l'on voit la souveraine, alors âgée de 28 ans, traverser la ville à bord d'une voiture décapotable, en compagnie de son époux le prince Philippe, et observant des officiers à dos de chameaux lors d'une parade militaire.
Aujourd'hui, l'hôpital manque de tout: électricité, lits, équipements de laboratoire et personnel.
Ailleurs à Aden, les cloches du "Big Ben de l'Orient", réplique de la fameuse horloge de Londres en plus petit, ne sonnent plus depuis longtemps.
Le Crescent Hotel - où la reine aurait séjourné selon une rumeur colportée par ses propriétaires - est toujours debout mais abandonné, son toit disparu et ses chambres jonchées de gravats.
Le port d'Aden était depuis 1839 aux mains de la Grande-Bretagne, qui l'avait proclamé colonie royale en 1935 avant de faire de son arrière-pays un protectorat.
En 1967, le Yémen du Sud devient indépendant après une révolte armée contre les Britanniques, puis baptisé République démocratique et populaire du Yémen, seul Etat marxiste arabe.
En 1990, le Nord et le Sud du pays sont unifiés, mais les relations ont été mises à rude épreuve par les difficultés économiques et les dynamiques politiques complexes caractérisant ce pays situé dans le sud-ouest de la péninsule arabique.
- Entre nostalgie et lassitude -
Depuis plus de huit ans, le Yémen, pays le pauvre de la région, est ravagé par un conflit dévastateur opposant le gouvernement, appuyé par une coalition dirigée par l'Arabie saoudite voisine, aux rebelles Houthis soutenus par l'Iran.
Une trêve en vigueur depuis le 2 avril donne un peu de répit à la population, confrontée à l'un des pires désastres humanitaires au monde. La guerre a fait 377.000 morts et des millions de déplacés, selon l'ONU.
"Sous la domination britannique, Aden a connu une période de modernisation et une série de développements afin de devenir une colonie servant les intérêts de la Grande-Bretagne dans l'océan indien", affirme à l'AFP, Asmahan al-Alas, professeure d'histoire et secrétaire générale de la Société yéménite d'histoire et d'archéologie, à l'université d'Aden.
Cette politique s'est traduite par des réformes au niveau de l'administration, de la planification urbaine, de l'éducation, de l'économie, mais "elle n'a pas répondu aux attentes et aux aspirations de la population", ajoute-t-elle.
Dans un message en hommage à la reine, Aidarous al-Zoubaïdi, le chef du Conseil de transition du Sud, organe politique des séparatistes, soutenus par les Emirats arabes unis, s'est dit "profondément attristé" par le décès de la souveraine.
"Nous présentons nos condoléances au peuple britannique pour la mort (de la reine), symbole de la sagesse et du pardon", a-t-il écrit.
Ce sentiment de nostalgie n'est toutefois pas partagé par tout le monde à Aden, devenue le siège provisoire du gouvernement yéménite après la prise de la capitale Sanaa par les Houthis en 2014.
"Ceux qui glorifient la colonisation britannique à Aden sont soit des jeunes qui n'ont pas connu cette période, soit des personnes âgées qui sont lassées par la situation dérisoire par laquelle passe le pays actuellement", explique Mohammed Kassem Naaman, président du Centre d'études pour les droits humains au Yémen.
"Le colonialisme, sous toutes ses formes, porte atteinte aux droits, à la liberté et à la vie des gens", ajoute l'homme de 72 ans, qui a pris part à la lutte contre le colonialisme britannique quand il était encore étudiant.
"Tous les pouvoirs coloniaux, de par leur nature, ne cherchent qu'à protéger leurs intérêts. Ils n'ont aucun respect pour l'humanité", conclut-il.
H.Sasidharan--DT