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Pendant des décennies, le Bonanza Creek Ranch et ses étendues désertiques ont fait du Nouveau-Mexique un lieu de tournage idéal pour les westerns. Mais depuis le film "Rust", avec Alec Baldwin, l'endroit est devenu un décor de tragédie.
Cette vaste propriété a accueilli des classiques comme "Butch Cassidy et le Kid" (1969). Sa gérante, Imogene Hughes, s'était taillé une réputation auprès des stars hollywoodiennes, en leur servant régulièrement sa limonade maison et son gâteau à la banane.
Mais maintenant que l'endroit est associé à un décès déchirant, dans une affaire mondialement connue pour laquelle Alec Baldwin doit être jugé cette semaine, la fille de Mme Hughes est soulagée que sa défunte mère n'ait pas à voir la notoriété de son ranch entachée.
"Je pense que cela l'aurait vraiment bouleversée", confie à l'AFP Denise Spaccamonti.
Niché sur les hauteurs de Santa Fe, dans le "Far West" américain, le ranch avait tout d'une ferme classique: on y élevait du bétail. Jusqu'à ce qu'Hollywood vienne frapper à sa porte dans les années 1950.
Un premier western, "L'homme de la plaine" avec James Stewart, y est tourné en 1955. Puis d'autres films suivent, de temps en temps.
Le virage vers le cinéma s'accélère lorsqu'Imogene Hughes prend la pleine gestion du ranch, après la mort de son mari Glenn. Elle s'entend alors avec des politiciens locaux pour proposer des avantages financiers aux productions californiennes tentées par le Nouveau-Mexique.
- "Sans-cœur" -
Le ranch s'étoffe peu à peu. En 1985, les équipes de "Silverado", un western avec Kevin Costner, laissent derrière elles une grange peinte en blanc, construite pour le film.
D'autres bâtiments sont érigés pour des longs-métrages comme "Young Guns" ou "Lucky Luke" - un film "horrible", sourit Mme Spaccamonti, malgré tout reconnaissante. Bientôt le ranch se transforme en véritable petit village de western, avec des rues entières.
"C'est plutôt sympa de voir comment chaque film a contribué à la construction de tout ça (...) C'est un ensemble de pièces de puzzle qu'on a mises ensemble", explique Mme Spaccamonti.
Mais désormais, ce décor est comme hanté par la tragédie qui s'est produite lors du tournage de "Rust".
En octobre 2021 dans la chapelle du ranch, Alec Baldwin a pointé une arme censée ne contenir que des balles à blanc, mais dont un projectile bien réel a tué la directrice de la photographie Halyna Hutchins.
Le drame a provoqué une interruption des tournages, le temps que la police ratisse le site. Et depuis qu'ils ont repris, les productions qui travaillent ici gardent le secret.
"Personne ne veut avouer qu'un film est tourné au même endroit où elle a été tuée", observe David Manzanares, gérant du Ghost Ranch, une propriété voisine qui a accueilli la production d'"Oppenheimer".
"Les gens disent: +si ça se sait, nous serons perçus comme sans-cœur", ajoute cet ami de longue date d'Imogene Hughes.
Contactés par l'AFP, les propriétaires actuels du Bonanza Creek Ranch ont refusé un entretien. Shannon Hughes, qui dirige les opérations cinématographiques de l'endroit, a néanmoins estimé que l'héritage d'Imogene Hughes "ne devrait pas être impliqué dans l'accident de +Rust+".
- "Vraiment malheureux" -
L'ancienne gérante, décédée quelques semaines avant le tournage du western d'Alec Baldwin, a laissé un souvenir chaleureux au Nouveau-Mexique.
"Elle touchait profondément tous ceux qu'elle rencontrait", raconte le directeur artistique du Festival international du film de Santa Fe, Jacques Paisner, qui gère une bourse pour les étudiants en cinéma portant son nom.
"Ma mère faisait preuve de bonté envers les étudiants. Elle les laissait venir (filmer) gratuitement", complète Mme Spaccamonti. "Qui fait ça de nos jours?"
Au lieu de continuer à élever du bétail, Imogene Hughes a attiré l'argent d'Hollywood au Nouveau-Mexique, rappelle M. Manzanares, son voisin.
"Elle a permis à tout le monde de prospérer", en attirant "des millions de dollars" dans une des régions les plus pauvres des Etats-Unis, insiste-t-il.
Pour lui, ce legs ne méritait pas d'être terni par "Rust". "C'est vraiment malheureux."
O.Mehta--DT