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La star du rap d'Atlanta Young Thug est-il "le chef proclamé" d'un gang de rue criminel qui se déplaçait en "meute"? La figure du hip-hop a comparu lundi au premier jour d'un procès controversé, où les procureurs comptent utiliser les paroles de ses chansons comme preuves.
Le rappeur de 32 ans, chemise blanche, cravate sombre, fines lunettes et tresses tombant sur son visage tatoué, a suivi en silence, assis entre ses avocats, la plaidoirie d'ouverture de la procureure Adriane Love, qui l'a pointé plusieurs fois comme le leader d'une branche du gang des "Bloods" identifiée comme "Young Slime Life", ou YSL.
Meurtres, trafic de drogue, vols de voitures avec violence: "Les preuves vous montreront qu'YSL coche toutes les cases d'un gang criminel de rue", a aussi lancé la procureure du comté de Fulton, dans l'Etat de Géorgie, devant le jury, dont la sélection a pris près de onze mois.
Le rappeur, qui comparaît avec cinq co-accusés lors de ce procès, se dit innocent et ses avocats insistent sur le fait qu'YSL n'est que l'acronyme de son label de hip-hop et de trap, "Young Stoner Life Records".
Après la plaidoirie d'ouverture de l'accusation, ce sera au tour de la défense de s'exprimer, avant l'examen des faits. Le procès devrait s'étendre au moins jusqu'en 2024.
- N'oubliez pas les paroles -
L'arrestation en mai 2022 de l'interprète de "Best Friend", "Hot" ou "Check", couronné d'un Grammy Award en 2019 comme co-auteur de la "meilleure chanson" de l'année, "This is America", avait été un choc pour l'influente scène hip-hop d'Atlanta dont il est une figure centrale.
Young Thug a collaboré avec les plus grands noms du rap et de la pop, de Drake à Travis Scott, en passant par Dua Lipa, Justin Bieber ou encore Elton John.
Il avait été inculpé parmi 28 autres membres présumés du gang, mais depuis, certains ont plaidé coupable et d'autres doivent être jugés lors de procès distincts.
Les procureurs s'appuient, pour preuves, sur des paroles de certaines chansons de Young Thug (signifiant jeune voyou), de celles d'un autre rappeur, Gunna -- qui a passé un accord de plaider coupable --, et d'un titre posthume de Juice WRLD, mort en 2019 d'une overdose.
Après la très longue sélection du jury, l'affaire entre désormais dans le dur, avec au coeur du dossier 17 extraits des titres de Young Thug qui constituent, selon l'accusation, autant d'aveux des crimes dont le rappeur est accusé.
Ses avocats ont cherché à exclure ces paroles des pièces à conviction, affirmant que l'utilisation de couplets pourrait influencer injustement les jurés.
- "Confessions de fin de soirée" -
Un argument défendu par de nombreux partisans de la liberté d'expression et d'acteurs de l'industrie musicale, qui craignent que cette pratique nuise à la créativité des artistes et affecte disproportionnellement les Afro-Américains.
"Si c'était de la country, ou du rock... nous ne serions pas là aujourd'hui", a déploré Kevin Liles, le cofondateur du label musical 300 Entertainment, une filiale de Warner, dont YSL Records est une marque.
"On ne parle pas ici de paroles de rap, mais de paroles de gang", a soutenu le procureur Mike Carlson. "Ce sont des confessions de fin de soirée."
Ce n'est pas la première fois que des vers de hip-hop atterrissent dans une salle d'audience. La défense, qui insiste sur le fait qu'YSL n'est rien d'autre qu'un label artistique, a cité comme témoin un spécialiste du sujet, le professeur à l'université de Richmond, Erik Nielson.
Dans un entretien à l'AFP au début de l'année, cet expert affirmait que "cette question du rap dans les procès n'est qu'une nouvelle illustration d'un système qui s'acharne à emprisonner les jeunes hommes de couleur".
"Si vous avez d'autres preuves, n'utilisez pas les paroles de rap", a jugé M. Nielson. "Et si vous n'avez pas d'autres preuves, ne portez pas plainte."
Le procès, qui se déroule dans le même tribunal d'Atlanta où l'ancien président Donald Trump doit aussi être jugé pour ses tentatives d'avoir inversé le résultat de l'élection présidentielle dans cet Etat du sud-est des Etats-Unis en 2020, verra défiler des centaines de témoins, dont les rappeurs T.I. et Killer Mike.
F.El-Yamahy--DT