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"C'est un album hors du temps": 40 ans après avoir tricoté "Pull marine" avec Serge Gainsbourg, Isabelle Adjani, "actrice qui chante" comme elle se présente, sort un deuxième disque en gestation depuis... 17 ans.
Le milieu de la musique redoutait de ne jamais entendre "Bande originale", initié en 2006 aux côtés de Pascal Obispo et qui sort vendredi. Son casting est fou, riche des duos entre la comédienne-star et des artistes internationaux -- Seal, Youssou N'Dour, Simon Le Bon (Duran Duran), David Sylvian (Japan), Peter Murphy (Bauhaus) -- et français, avec Étienne Daho, Akhenaton (IAM), Gaëtan Roussel et Benjamin Biolay.
Sans oublier des étoiles hexagonales aujourd'hui disparues, Christophe, Daniel Darc (Taxi Girl) et Philippe Pascal (Marquis de Sade).
Ce disque pop évite les pièges du genre avec une cohérence qui doit beaucoup à DeLaurentis, productrice électro qui a récemment débloqué la situation en épaulant Pascal Obispo à la réalisation. "Pascal attendait d'être dépassé, que cet album lui ressemble mais tout en lui échappant, c'est assez généreux de sa part. C'est arrivé avec Cécile (DeLaurentis)" confie Isabelle Adjani, rencontrée par l'AFP à Paris.
- "Intimidée" -
"Intimidée", l'actrice de "La reine Margot" a enregistré séparément des chanteurs invités. "Par crainte de faire perdre du temps à des professionnels qui ont autre chose à faire que d'aider une amatrice à poser sa voix (rires)". Les micros ont pourtant souvent jalonné son parcours.
Fan du baroque de Henry Purcell ou de la folk de Joni Mitchell, Isabelle Adjani a toujours été ouverte aux sons d'aujourd'hui et sa voix s'entend ces dernières années sur des titres d'albums de The Penelopes ou de Malik Djoudi, entre autres.
Même si tout le monde la ramène toujours à l'album élaboré avec Serge Gainsbourg, ce fameux "Pull marine" avec ce morceau-titre resté dans les mémoires. Le nom de l'auteur-compositeur reviendra souvent pendant l'interview. Bien que la comédienne trouve "génial" que Charlotte Gainsbourg ait ouvert le 5 bis rue de Verneuil aux visites, elle ne retournera pas dans l'antre du créateur.
"Je ne peux aller dans cette maison que j'ai connue si vivante pour aller chercher quelqu'un que j'ai connu si vivant". "Je préfère aller au cimetière du Montparnasse, lui dire: j'ai fait un autre album, j'espère que ça va (rires)".
Certaines pirouettes dans les textes sont des clins d'oeil à la plume de Gainsbourg, comme "J'en suis acquittée/Non, tu es à quitter" ou "Et la boucle sera bâclée". On entend aussi "Il ne manque plus que je me planque/Derrière des lunettes fumées", belle autodérision d'une star au regard souvent caché derrière des lunettes noires.
- "Cinématographique" -
"J'en porte depuis que j'ai 16 ans. On m'a élevée en me disant: +Ne regarde pas les gens dans les yeux+, comme consigne-stigmate", dévoile-t-elle. "Je me protège avec des lunettes. Et avec un chapeau pour ne pas que le ciel me tombe sur la tête. Mais les lunettes fumées, c'est quelque chose sur laquelle on n'interroge jamais les hommes".
Un fil narratif relie les 14 titres, "comme dans une année fictive de la vie d'une femme traversée par son rapport aux hommes". "L'album aurait pu s'appeler +Femme et hommes+, mais on est resté sur +Bande originale+. C'est assez cinématographique, beaucoup d'images sont convoquées", poursuit la comédienne de "Possession".
Ce disque sera-t-il transposé en concerts ? "Oh là là, il faudrait que je demande conseil à Mylène Farmer (rires). Un moment acoustique, pourquoi pas, mais il faudrait travailler un peu, il y a du boulot (rires)".
"Ce que j'adorerais, c'est une comédie musicale au cinéma, comme chez Christophe Honoré, qui est assez fort pour amener ses acteurs à chanter alors qu'ils étaient en train de parler". Et de conclure: "Je ne frappe pas tellement à la porte des gens, ce qui est un tort d'ailleurs. On ne m'a jamais appris à aller vers les autres pour demander quelque chose".
H.El-Hassany--DT