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Après l'incendie catastrophique ayant causé la mort de plus d'une centaine de personnes à Hawaï, tous les regards se tournent vers un coupable inattendu: les herbes envahissantes qui se propagent massivement sur l'archipel depuis des décennies, devenant le combustible parfait pour alimenter de telles tragédies.
Résistantes à la sécheresse, capables d'envahir des terrains difficiles et de remplacer peu à peu les plantes locales, elles sont également une menace grandissante dans l'ouest des Etats-Unis, où les feux dévastateurs se multiplient.
"Les herbes envahissantes sont très inflammables, elles changent le paysage, elles créent des conditions favorables aux feux, et tout d'un coup, vous avez beaucoup plus d'incendies", explique à l'AFP Carla D'Antonio, chercheuse travaillant sur ces espèces depuis plus de 30 ans.
Au lieu de se décomposer comme d'autres plantes une fois mortes, ces herbes "restent debout pendant longtemps, aussi sèches que de la paille", décrit cette professeure à l'université de Californie à Santa Barbara. Et après un feu, elles survivent mieux que les plantes locales.
La plupart de ces herbes -- Cenchrus ciliaris, herbe de Guinée, herbe à mélasse... -- viennent d'Afrique, et ont été introduites pour servir de pâturage au bétail, sans se douter du danger qu'elles représenteraient des décennies plus tard.
A Hawaï, la fin des plantations de cannes à sucre autour des années 1990, dans un contexte de mondialisation, a eu des conséquences désastreuses: d'immenses zones sont abandonnées et envahies par les herbes.
"Le problème des incendies est surtout attribuable aux vastes étendues d'herbes allogènes laissées à l'abandon par de gros propriétaires", a écrit sur les réseaux sociaux Clay Trauernicht, de l'université d'Hawaï à Manoa.
Selon lui, la surface annuelle brûlée à Hawaï a augmenté de 300% ces dernières décennies.
Selon un rapport sur la prévention des feux réalisé par le comté de l'île Maui en 2021, la menace des incendies dans les champs d'anciennes cannes à sucre "va probablement croître à cause des températures en hausse et des périodes de sécheresses prolongées, liées au changement climatique".
Hawaï, évoquant d'ordinaire plutôt une forêt tropicale, reçoit de moins en moins de pluie. Les précipitations ont diminué pour 90% de l'Etat par rapport à il y a un siècle, selon une étude de 2016.
Le rapport préconisait un "plan efficace" pour remplacer les herbes envahissantes par des plantes locales.
- "Rien de naturel" -
Le problème ne se limite pas à Hawaï. Sur le continent américain, dans "les déserts de l'Ouest, les forêts de conifères, et les zones d'arbustes sur la côte, les herbes envahissantes sont là pour rester, elles font désormais partie de l'écosystème", prévient Carla D'Antonio.
Elle-même passe certains samedis soirs à enlever les herbes du bord des routes avec des voisins, dans une zone montagneuse près de Santa Barbara, en Californie. Le but: empêcher un départ de feu lié à un mégot de cigarette ou un véhicule en surchauffe.
De "grands feux dans les déserts des Mojaves et du Grand Bassin des Etats-Unis sont alimentés par les herbes envahissantes", pointe-t-elle, citant également le "Camp Fire", un incendie qui avait détruit la petite ville californienne de Paradise en 2018, tuant plus de 80 personnes. Il avait été déclenché par une ligne électrique mettant le feu à des herbes sèches.
De tels feux ne sont pas des catastrophes naturelles, souligne la chercheuse, "il n'y a presque rien de naturel là-dedans".
L'une des herbes (Cenchrus ciliaris), menace aussi les cactus emblématiques Saguaro, en Arizona, en permettant aux incendies de se propager dans la région. Des associations organisent régulièrement des opérations de défrichage.
Cette même herbe se propage également au Mexique et en Australie.
Selon une étude de 2019 ayant analysé douze espèces d'herbes envahissantes dans la partie continentale des Etats-Unis, six sont d'ores et déjà liées à une augmentation de la fréquence des feux de jusqu'à 150%.
Pour Carla D'Antonio, les tragédies comme celle d'Hawaï sont toutefois liées à de nombreux facteurs: l'altération du paysage par les humains (forêts abattues...), l'envahissement de plantes allogènes, la sécheresse accrue par le changement climatique, mais aussi le manque de préparation (routes d'évacuation, communications des secours...).
"La possibilité de désastres est énorme", martèle la chercheuse. "Ce sont les questions que nous devons nous poser (...) comment nous préparons-nous aujourd'hui pour les situations extrêmes? Pas l'incendie moyen, mais extrême."
X.Wong--DT