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Des centaines de fans de metal ont vibré à Bangkok au son des guitares électriques et de la batterie du groupe thaïlandais Defying Decay, dont le dernier morceau est une référence au crime de lèse-ajesté, un affront sévèrement puni dans le royaume.
"The law 112: secrecy and renegades", qui a été l'une des chansons rock les plus jouées sur les radios américaines en novembre dernier, est un hymne provocateur contre les tabous politiques de la Thaïlande.
Samedi soir, le groupe l'a interprété pour la première fois sur le sol thaïlandais.
Leur style de musique alternative étant encore marginal en Thaïlande, les sept membres du groupe se produisent principalement à l'étranger.
Le chiffre 112 renvoie à la section du code pénal qui punit jusqu'à 15 ans de prison toute critique à l'encontre du roi ou de sa famille. Prudent, Defying Decay évite dans ses paroles d'attaquer nommément une personne ou une institution.
"J'aime que les paroles soient ouvertes à l'interprétation et que chacun ait sa propre signification... quand j'écris mes chansons", a déclaré à l'AFP le chanteur et parolier Poom Euarchukiati.
Si le titre fait clairement référence à cette loi, les paroles de la chanson abordent en fait d'autres thèmes, critiques mais plus consensuels, comme la corruption.
- Fracture générationnelle -
Les manifestations pro-démocratie qui ont secoué Bangkok en 2020 ont mis en évidence une fracture générationnelle en Thaïlande entre les jeunes qui aspirent au changement et les anciens plus conservateurs.
Defying Decay n'est pas le premier groupe thaïlandais à utiliser sa musique pour défier le pouvoir. Il y a 3 ans, un groupe de hip-hop très populaire, Rap Against Dictatorship, avait fait la Une dans le pays avec un titre relatant une série d'affaires de corruption.
Le clip vidéo fait allusion à une page sombre de la Thaïlande, lorsque des dizaines d'étudiants avaient été massacrés ou pendus en 1976 après une manifestation.
À son apogée, au second semestre 2020, le mouvement de protestation exigeant une réforme royale et la démission du Premier ministre a attiré des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Bangkok.
Mais le mouvement s'est essoufflé car les restrictions liées au coronavirus ont empêché les rassemblements et ses principaux leaders ont été arrêtés.
Depuis novembre 2020, 170 personnes ont été inculpées en vertu de la loi sur les insultes royales, selon l'organisation Thai Lawyers for Human Rights.
Le militant Parit Chiwarak, la vingtaine et connu sous le surnom de "Pingouin", fait face à 23 inculpations et est incarcéré en détention provisoire depuis août dernier.
Lors d'une réunion des Nations unies sur les droits de l'homme l'année dernière, le représentant du gouvernement thaïlandais a défendu la législation sur la lèse-majesté, affirmant qu'elle "reflète la culture et l'histoire de la Thaïlande, où la monarchie est l'un des principaux piliers de la nation".
- Garantir des procès équitables -
La loi doit être "actualisée" pour être compatible avec le monde moderne et éviter les "abus", a déclaré M. Poom.
Une "norme claire" des actes répréhensibles commis en vertu de la loi sur la lèse-majesté devrait également être établie pour garantir des procès équitables, a déclaré à l'AFP le guitariste principal de Defying Decay, Chitipat Wanyasurakul.
Mais le changement pourrait prendre du temps.
"Les gens qui écoutent de la musique (rebelle) sont surtout des adolescents et des jeunes travailleurs. La société n'est pas seulement constituée de ce groupe de personnes", a déclaré à l'AFP Chawanut Rattanaphun, 29 ans, spectateur du concert.
G.Koya--DT