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Sur la Promenade des Anglais, où un camion fou avait foncé dans la foule, le 14 juillet 2016, faisant 86 morts, des bouquets fleurissent une statue, nouveau lieu de mémoire récemment inauguré: six ans après, Nice est incapable d'oublier mais montre sa "résilience".
Sur ce front de mer où de nombreux Niçois n'ont toujours pas la force de revenir, la sculpture haute de 4 mètres, un homme-oiseau posé sur une vague, signé de l'artiste niçois Jean-Marie Fondacaro, a été dévoilée le 14 juillet.
Au pied de la vague, un calligramme en forme de coeur englobe les noms des 86 disparus, ces "anges" en miroir avec la "baie des Anges" qui s'étend au large.
"Malheureusement je vis dans un pays où on connaît les attentats, mais je ne me souvenais pas qu'il y avait eu autant de morts", témoigne Menahem Alexander, Israélien, qui vit "à côté de Tel Aviv".
En vacances dans le sud avec son épouse Hanna et ses trois enfants, Menahem "ne savai(t) pas" que lundi à Paris s'ouvrirait le procès de cet attentat, mené par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, Tunisien et musulman radicalisé de 31 ans finalement abattu par la police.
"Se souvenir, c’est ne pas oublier", insiste le maire de la ville, Christian Estrosi: "Cette blessure ne sera jamais raccommodée, quelle que soit l’issue du procès. Cette plaie est trop profonde".
Et cette plaie a encore été "ravivée" le 29 octobre 2020, rappelle l'élu, en évoquant ces trois fidèles niçois assassinés par un autre islamiste, en la basilique Notre-Dame.
- "Aucune haine" -
A l'approche du procès, certains ont "envie de passer à autre chose et ne plus penser à ça", admet Cécile Malo, déléguée générale de la Fondation de France Méditerranée, qui a aidé les victimes. Mais "pouvoir faire un récit collectif de ce qui s'est passé est très important" et le procès "contribuera au travail de deuil": "Nice est un territoire en résilience".
Pour Yvan Gastaut, professeur d'histoire à l'Université de Nice, l'attentat a révélé "un certain nombre de réalités" et provoqué "une prise de conscience sur un aspect de la ville assez peu mis en valeur, à savoir la question de l’émigration et des diversités": "Il y avait un paradoxe à Nice: c'est une ville très souvent mise en avant à travers son histoire, le tourisme et le luxe. Or, à Nice comme à Marseille ou Toulon, (il y a) une présence immigrée et ouvrière, un élément qui a été mis en avant en 2016".
Episode de "fracture" pour l'historien, montrant une société "pas aussi homogène qu’on pouvait le penser", ce drame a particulièrement touché une communauté, les musulmans, "très présents dans la ville", avec historiquement une importante diaspora tunisienne. Communauté qui a été "victime et cible" de la colère ensuite.
"Il y a eu beaucoup de victimes musulmanes et en même temps on a beaucoup stigmatisé les musulmans à cause du meurtrier. Ce sujet est central dans la ville et les conséquences n'en sont pas encore résolues", selon M. Gastaut.
Maman d'une fille de 10 ans profondément blessée psychologiquement, Hager Ben Aouissi est née à Nice de parents tunisiens "qui se sont rencontrés à Nice". Elle assume son origine tunisienne mais "ne s'est pas sentie rattachée" à l'auteur de l'attaque, "même pas à 0,1%".
"Pour moi, ce n'est pas un être humain normal. Ce qu'il a fait, c'est au-delà de la barbarie", confie la fondatrice de l'association "Une voie des enfants 14 juillet 2016". Mais elle ne ressent "aucune haine": "La haine ne nous fera pas avancer".
F.El-Yamahy--DT