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Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables, que le gouvernement veut faire adopter à l'automne pour rattraper le grand retard de la France dans l'éolien et le solaire, est accueilli avec une satisfaction prudente par la filière mais suscite des inquiétudes chez certains défenseurs de l'environnement.
Au menu du texte de 20 articles: des mesures transitoires pendant 48 mois pour simplifier les procédures (allégement des obligations d'évaluation environnementale ou extension du vote du public par voie électronique), la multiplication des possibilités d'implantation des panneaux solaires (obligation d'équipement sur les gros parkings, possibilité d'installation sur les délaissés routiers), une mutualisation des débats par façade maritime pour l'éolien en mer.
Le texte encourage encore le "partage de la valeur" des projets renouvelables auprès des riverains, qui y seraient ainsi plus favorables.
Le Conseil d'Etat et le Conseil national de la transition écologique viennent d'être saisis sur ce texte, qui devrait être présenté au Conseil des ministres mi-septembre.
"La France accuse un retard", par rapport à ses voisins européens, reconnaît le texte dans son exposé des motifs, mettant en cause des lourdeurs administratives et juridiques.
Il faut ainsi 10 ans pour développer un parc éolien en mer, deux fois plus longtemps qu'ailleurs. La France vient seulement de produire des électrons en provenance de son premier parc marin, au large de Saint-Nazaire.
Le pays hôte de l'accord de Paris contre le réchauffement climatique est généralement en retard sur son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre et Emmanuel Macron a annoncé en février une hausse des objectifs sur les renouvelables.
La France veut multiplier par dix les capacités solaires pour dépasser les 100 GW et déployer 50 parcs éoliens marins pour atteindre 40 GW d'ici 2050. Le doublement de la capacité éolienne terrestre à 40 GW sera en revanche plus lent que prévu, en 10 ans au lieu de 30.
"Il y a beaucoup de bonnes idées" dans le projet de loi, salue Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
"Sur les mesures de simplification on est évidemment très favorable, notamment sur l’éolien en mer": "ça peut raccourcir beaucoup les délais de développement des projets", note-t-il.
Mais il reste prudent: "Beaucoup de choses vont se décider dans les décrets".
- "Indéfendable" -
L'accueil est en revanche beaucoup plus négatif à la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui regrette un projet "purement sectoriel" qui "oublie complètement les enjeux de biodiversité".
"Comment peut-on aller mettre de l’éolien dans les sites naturels protégés, les sites Natura 2000, les couloirs de migration ?", s'agace Yves Verilhac, directeur général de la LPO.
"L’IPBES (les experts biodiversité de l'ONU) dit que l’artificialisation des milieux est la première cause d’effondrement de la biodiversité. Or là qu’est-ce qu’on propose? D’aller mettre des panneaux photovoltaïques plein champ dans des secteurs où c’était impossible avant, en dérogeant à la loi montagne, à la loi littoral etc."
"Les meilleurs alliés des énergies renouvelables, comme la LPO, décrochent. C’est indéfendable", juge M. Verilhac.
Certaines mesures soulèvent aussi des problèmes juridiques, comme la possibilité de "relever plus facilement les seuils de soumission à évaluation environnementale systématique", inscrite dans le texte. L'idée est d'exempter les petits projets de cette procédure longue et coûteuse.
Une mesure qui irait à l'encontre du principe de "non-régression", qui découle de la loi de 2016 sur la biodiversité. Ce principe dispose que la protection de l'environnement "ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante".
Le projet de loi "le neutralise en expliquant que c'est un principe symbolique, décoratif, et qu’on ne pourra plus s’en prévaloir devant un juge", explique l'avocat Arnaud Gossement.
"C’est la première fois de l’histoire du droit de l’environnement que le législateur serait amené à neutraliser un principe général du droit qu’il vient de créer (...) c'est très dangereux parce que ça crée un précédent", estime-t-il.
Selon l'avocat, il est possible de simplifier les études d'impact sans pour autant détricoter ce principe du droit environnemental, par exemple en allégeant l'étude ou en mutualisant les frais.
Un débat que devront trancher les parlementaires, en octobre si le calendrier gouvernemental est maintenu.
G.Gopalakrishnan--DT