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Le procès des artistes dissidents cubains Luis Manuel Otero Alcantara et Maykel "Osorbo" Castillo, menacés de sept et 10 ans de prison, a débuté lundi à La Havane, presse étrangère et diplomates étant privés d'accès au tribunal, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Les deux artistes, emprisonnés depuis plusieurs mois, sont notamment poursuivis pour trouble à l'ordre public. Washington et plusieurs ONG réclament leur libération.
"Nous n'avons pas l'autorisation" d'entrer, a indiqué à la presse un diplomate qui s'est seulement identifié comme "représentant" de l'ambassade allemande.
Dans ce procès sont en jeu "des droits humains de base, selon nous, comme la liberté, le droit à une libre expression et de se réunir librement", a-t-il souligné.
Avec lui, cinq autre diplomates - de Suède, de République tchèque, des Pays-Bas, de Norvège et du Royaume-Uni - ont patienté quasiment deux heures près du tribunal municipal populaire de Marianao, dans l'ouest de la capitale, dans l'espoir de pouvoir assister au procès.
Des proches des deux artistes sont arrivés plus tôt dans la matinée au tribunal, sans faire de déclarations à la presse. Le bâtiment, où les accusés ont été admis sans pouvoir être vus par les journalistes, était quadrillé par des dizaines d'agents de la sécurité de l'Etat en civil et quelques-uns en uniformes.
- "Artiviste" -
Luis Manuel Otero Alcantara, 34 ans, arrêté le 11 juillet 2021 quand des milliers de Cubains manifestaient dans les rues de l'île aux cris de "Nous avons faim" et "Liberté", est un des meneurs du collectif d'artistes contestataires San Isidro, lancé en 2018.
Il est accusé de divers délits, dont incitation à commettre un délit, outrage aggravé, trouble à l'ordre public, tous antérieurs au 11 juillet.
Selon un enregistrement audio de l'artiste diffusé la semaine dernière par plusieurs activistes, les autorités lui ont proposé de quitter Cuba en échange de sa liberté, mais il a refusé.
Le parquet a requis sept ans de prison contre lui.
Salué comme l'une des personnalités de 2021 par le magazine Time, celui qui se définit comme "artiviste" - contraction d'artiste et activiste - multiplie les performances provocantes. Dans ce procès, il est ainsi poursuivi pour outrage aux symboles de la patrie après s'être amusé à porter le drapeau cubain sur les épaules pendant un mois.
Le parquet réclame par ailleurs dix ans de prison pour Maykel Castillo dit "Osorbo", 39 ans, arrêté le 18 mai 2021 et accusé de trouble à l'ordre public, outrage à la justice et agression.
Il est coauteur de la chanson "Patria y vida", devenue un symbole des manifestations antigouvernement à Cuba et couronnée par un Grammy Latino.
L'image de ce rappeur, en avril 2021, levant le poing avec une menotte attachée après avoir échappé à une tentative d'arrestation grâce à l'aide d'habitants, était devenue largement virale sur l'île.
- "Liberté" -
Lundi matin, Maritza Herrera, 66 ans, qui se dit amie d'Otero Alcantara, s'est approchée du tribunal: "Aujourd'hui, à l'intérieur, on décide des choses qui pour nous sont vraiment importantes", notamment "sa liberté".
"Tout le monde voulait être là mais comme ils ne te laissent pas sortir de la maison en mettant des policiers en bas de chez toi, comment faire?", a-t-elle commenté, se disant chanceuse d'être parvenue jusque-là alors que plusieurs activistes ont dénoncé être bloqués chez eux.
Le bureau des droits de l'homme et de la démocratie du département d'Etat américain avait critiqué vendredi la tenue de ce procès.
"Nous sommes indignés que Luis Manuel Otero Alcantara soit jugé", a-t-il écrit dans un tweet. "Ses délits: ses opinions et son art", a-t-il ajouté. "Libérez-le et tous les prisonniers politiques!"
"Maykel Castillo Pérez et Luis Manuel Otero Alcantara sont poursuivis pour avoir exercé leur droit humain de critiquer leur propre gouvernement", a également dénoncé dans un communiqué Tamara Taraciuk Broner, directrice de Human Rights Watch sur le continent américain.
Ils "n'auraient jamais dû passer un seul jour en prison", a renchéri dans ce même communiqué Erika Guevara-Rosas, directrice d'Amnesty International pour les Amériques.
Tous deux ont été déclarés prisonniers de conscience par Amnesty International, au nom de toutes les personnes détenues après les manifestations historiques de juillet 2021, qui ont fait un mort et des dizaines de blessés.
Sur les 1.395 personnes arrêtées, 728 sont encore détenues selon l'ONG Cubalex, basée à Miami.
H.Hajar--DT