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Père et grand-père attentionné le jour, violeur la nuit, quand il droguait son épouse pour en faire son objet sexuel et la livrer à des dizaines d'hommes recrutés sur internet: personnalité "à double facette", Dominique Pelicot "le chic type" est devenu "l'ogre de Mazan".
Le 12 septembre 2020, le paisible retraité amateur de vélo est arrêté dans un centre commercial de Carpentras (Vaucluse) en train de filmer sous les jupes de clientes. Mais la saisie de ses ordinateurs révélera une face plus sombre.
Minutieusement stockées et légendées, des milliers de photos et vidéos montrent Gisèle Pelicot, inerte et totalement inconsciente, violée par son mari et des dizaines d'inconnus.
"Pervers manipulateur" dévoré par "des fantasmes obsédants", "avec une empathie à zéro", le septuagénaire a "une propension à considérer l'autre comme un objet", constatent les divers experts psychologues ou psychiatres.
"Je suis un violeur", reconnaît à l'audience le principal accusé du procès "des viols de Mazan", cette commune au pied du Ventoux où le couple s'est installé en 2013: "Il y a une face A et une face B, c'est le même homme", explique-t-il, devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon, parlant de lui à la troisième personne.
La face A, c'est ce "chic type", ce "mec super" avec qui Gisèle Pelicot confirme avoir passé une vie heureuse depuis leur mariage en 1973 et avec qui elle a eu trois enfants, David, Caroline et Florian.
- Entrepreneur raté -
Mais "le jeune homme séduisant, pull marin, cheveux longs", rencontré en 1971, avec sa belle 2CV rouge, sera aussi son bourreau, qui l'utilisera comme appât pour des dizaines d'autres hommes, de juillet 2011 à octobre 2020.
"On ne naît pas comme ça, on le devient", lâchera Dominique Pelicot à l'audience.
Né le 27 novembre 1952, à Quincy-sous-Senart (Essonne), en banlieue parisienne, avant quelques années à Luçay-le-Mâle (Indre), dans un château transformé en centre de réinsertion pour détenus où ses parents travaillaient comme gardiens, l'enfant va vivre dans un "environnement familial dysfonctionnel", où il est "confronté à des situations de maltraitances psychiques, physiques et sexuelles", a expliqué un expert psychiatre.
Selon son avocate, Me Zavarro, Dominique Pelicot aurait surtout puisé sa perversité dans deux viols confiés par écrit à sa famille au début des années 2010.
Le premier, de la part d'un infirmier qui lui aurait imposé une fellation à l'hôpital, alors qu'il a neuf ans. Le second, celui d'une jeune femme, auquel il aurait été contraint de participer, adolescent, quand il était apprenti sur un chantier.
Ces deux événements sont-ils réels ? A la barre, son frère aîné Joël, médecin à la retraite, n'a apporté "aucun crédit" à cette thèse, provoquant une des très rares colères de l'accusé.
Après un parcours scolaire "médiocre", l'adolescent décroche un CAP d'électricien et travaillera pendant des années sur des chantiers, en province puis en région parisienne. Mais toutes ses tentatives de création d'entreprise échoueront, comme agent immobilier ou pour vendre des alarmes ou des téléphones.
Au passage, comme l'explique sa fille, dans un livre publié en 2022 ("Et j'ai cessé de t'appeler papa"), il emprunte à ses proches, et notamment ses enfants ou son frère, sans jamais rembourser. Il vide notamment le compte sur lequel Caroline avait déposé l'argent de ses jobs d'été.
Pendant cinq ans, de 2002 à 2007, le couple va même +fictivement+ divorcer, pour éviter que Gisèle soit comptable des errements financiers de Dominique.
- "Faiseur de violeurs" -
Unanimement décrit comme "manipulateur", cet homme qui a fait illusion pendant des années auprès de sa propre famille aurait-il réussi à berner également ces hommes croisés sur le site coco.fr, pour leur faire gober le scénario d'un couple libertin, où la femme ferait semblant de dormir ?
C'est la thèse de nombreux avocats des 50 coaccusés, pour qui Dominique Pelicot est "l'ogre de Mazan", "le loup du Ventoux", "le monstre", "le minotaure, mi-homme mi-taureau, symbole de l'homme dévoré par ses pulsions". Un "caméléon" ou une "anguille", "faiseur de violeurs", "Machiavel" capable de servir à chacun le discours qui le fera venir pour abuser de Gisèle Pelicot.
Le septuagénaire aimait dessiner et peindre. En vidant définitivement la maison de Mazan, le 4 novembre 2020, les trois enfants du couple retombent sur cette toile, une femme nue, oeuvre de leur père. Au dos, un mot, au crayon noir, "L'Emprise".
Pour sa fille, qui ne l'appelle plus que son "géniteur", il est "le plus grand criminel sexuel de ces 20 dernières années".
Mais Dominique Pelicot serait-il aussi un meurtrier ? Le pôle +cold cases+ de Nanterre l'a mis en examen pour deux affaires, un viol suivi d'un meurtre en 1991, à Paris, qu'il nie, et une tentative de viol en 1999 en Seine-et-Marne, qu'il reconnaît, ayant été confondu par son ADN.
Des dates bien antérieures donc au début officiel des viols sous soumission chimique de Gisèle Pelicot, et une parenthèse de 20 ans qui peut laisser craindre d'autres actes entre-temps.
H.El-Qemzy--DT