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Le crime avait choqué au Brésil et au-delà: le procès d'accusés ayant avoué leur participation à l'assassinat en 2018 de Marielle Franco, une élue et militante noire et LGBT, s'est ouvert mercredi à Rio de Janeiro.
"Aujourd'hui, c'est une première étape pour que justice soit rendue, on ne peut pas banaliser la perte des vies qui nous ont été retirées", a lancé peu avant l'audience Luyara Santos, fille de l'ancienne conseillère municipale de Rio, qui avait 18 ans quand sa mère a été tuée.
Elle s'exprimait lors d'une manifestation de plus de 200 personnes rassemblées devant le tribunal pour réclamer "justice".
"Après tout ce temps, je me sens comme le jour où on m'a privé de ma fille", a dit Marinete Silva, la mère de Marielle Franco. A ses côtés se tenait Anielle Franco, soeur de Marielle et ministre de l'Egalité raciale dans le gouvernement du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
Le 14 mars 2018, l'élue locale avait été criblée de balles dans sa voiture. Elle avait 38 ans. Son chauffeur, Anderson Gomes, avait également été tué sur le coup.
Rapidement, les regards s'étaient tournés vers le crime organisé et la possible implication des milices. Ces groupes para-policiers sèment la terreur dans certains quartiers de Rio et s'accaparent des terrains publics pour se bâtir illégalement une fortune immobilière.
Née dans une favela, Marielle Franco militait de longue date contre la violence policière et pour les droits des habitants des quartiers pauvres, notamment les jeunes Noirs, les femmes et les membres de la communauté LGBT. Elle se dressait aussi contre l'action des milices.
- "Résistance" -
Le parquet a requis la peine maximale, soit 84 ans de réclusion pour chacun des deux prévenus, Ronnie Lessa et Elcio Queiroz, d'anciens membres de la police militaire de Rio.
Arrêtés en mars 2019, un an après le crime, ils sont apparus mercredi par visioconférence depuis leur prison, d'où ils participeront au procès. La juge Lucia Glioche les a présentés à l'ouverture de l'audience.
Ronnie Lessa a avoué avoir tiré sur Marielle Franco avec une mitraillette, depuis un véhicule conduit par Elcio Queiroz, qui est également passé aux aveux.
Sept jurés ont été tirés au sort parmi 21 personnes présélectionnées au casier judiciaire vierge.
Entre les audiences, ces jurés doivent demeurer confinés dans les dépendances du tribunal, sans avoir de contact avec l'extérieur.
Neuf témoins doivent être entendus, dont Fernanda Chaves, ancienne collaboratrice de la conseillère municipale, qui a survécu à l'attentat alors qu'elle se trouvait également dans la voiture.
- "Résistance" -
Après sa mort, Marielle Franco a acquis un statut d'icône pour la gauche et les militants de la cause noire au Brésil.
"Être ici, c'est un acte de résistance. En tant que femme noire, je me dois d'être présente pour faire du bruit et montrer l'importance que Marielle et Anderson avaient et ont encore aujourd'hui dans nos vies", a expliqué à l'AFP Geovanna Januario, géographe de 26 ans arrivée tôt le matin pour la manifestation devant le tribunal.
Comme la plupart des manifestants, elle tenait un tournesol.
D'autres personnes montraient des pancartes avec des messages comme "Nous voulons la justice pour Marielle et Anderson".
Mais le procès ne concerne pas les commanditaires présumés de l'assassinat.
Arrêtés en mars dernier après avoir été incriminés par Ronnie Lessa, le député Chiquinho Brazao et son frère Domingos Brazao, conseiller de la Cour des comptes de Rio, ont été entendus la semaine dernière par la Cour suprême, tout comme l'ancien chef de la police civile de la ville, Rivaldo Barbosa.
Les deux frères ainsi que le policier, accusé d'avoir fait obstruction à l'enquête après l'assassinat, ont nié toute implication, et l'instruction est encore en cours.
Selon les enquêteurs, Ronnie Lessa a dit avoir tué Marielle Franco après avoir été "séduit" par une offre mirobolante des frères Brazao, pour le compte de milices.
F.El-Yamahy--DT