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Disparition d’activistes, abus à l’encontre de séparatistes régionaux ou lors des émeutes de Jakarta en 1998: le nouveau ministre indonésien de la Défense, Sjafrie Sjamsoeddin, est accusé par des ONG, des membres de la société civile et même par Washington de violations des droits humains au cours de sa carrière militaire.
Sjafrie Sjamsoeddin, 71 ans, haut gradé militaire, est un proche du nouveau président Prabowo Subianto, qu'il a rencontré sur les bancs de l'Académie militaire indonésienne.
Devenus généraux, tous deux sont soupçonnés d'être impliqués dans la disparition de militants politiques étudiants entre 1997 et 1998, au nombre de 23 selon la Commission pour les disparus et les victimes de la violence (Kontras). Neuf d'entre eux ont été retrouvés vivants, l'un est déclaré décédé et 13 autres sont toujours portés disparus.
La semaine dernière, l'institut Indikator Politik a publié un sondage affirmant que 85% des Indonésiens se déclarent convaincus que le gouvernement de Prabowo Subianto mènerait l'Indonésie vers un avenir meilleur.
Mais les défenseurs des droits de l'homme redoutent que Prabowo Subianto et ses alliés, comme Sjafrie Sjamsoeddin, ne renforcent le rôle de l'armée dans la démocratie d'environ 280 millions d'habitants.
En mai 1998, des émeutes ont éclaté dans la capitale indonésienne, entraînant la chute de l'autocrate Suharto dans des troubles, attisés par l'armée selon de nombreux observateurs, où des commerces de la communauté chinoise ont été saccagés, des femmes violées et des militants arrêtés.
"Le respect des droits de l'homme est de plus en plus incertain" et "nous pourrions voir l'Indonésie revenir à un état militariste, comme à l'époque de Suharto", confie Maria Catarina Sumarsih, dont le fils a été abattu fin 1998 par l'armée.
- "Culpabilité personnelle" -
Sous la présidence de Suharto, en décembre 1975, a été menée l'invasion du Timor oriental en 1975, quelques jours après l'indépendance du Timor oriental, jusqu'alors colonie portugaise.
Sjafrie Sjamsoeddin, à l'époque, devient membre du Kopassus, le commandement des forces spéciales de l'armée de terre indonésienne, mobilisé pour réprimer toute rébellion.
Selon un télégramme diplomatique américain de 2009, Sjafrie Sjamsoeddin serait impliqué dans le massacre de Santa Cruz, en 1991.
Le 12 novembre 1991, plus de 250 manifestants indépendantistes non armés ont été abattus par l'armée indonésienne lors d'une procession funéraire dans le cimetière de Santa Cruz à Dili, qui deviendra la future capitale du Timor Oriental.
"Il était présent lors du massacre de Santa Cruz. Ses affirmations, selon lesquelles il portait secours à des journalistes occidentaux pendant le massacre, ne peuvent être confirmées", peut-on lire dans le télégramme, révélé par Wikileaks.
"Les faits nous amènent à conclure que Sjafrie Sjamsoeddin a occupé des postes de commandement de haut niveau en 1991 et 1999, des moments où des atrocités ont indéniablement été commises, et indiquent clairement sa culpabilité personnelle", y est-il également précisé.
Sjafrie Sjamsoeddin aurait aussi joué un rôle dans les troubles qui ont suivi le référendum sur l'indépendance soutenu par l'ONU en 1999, selon les autorités américaines.
Pourtant, il n'a jamais été inculpé pour ces faits. Son nom n'est ressorti dans aucun des procès relatifs au Timor oriental, et il a été blanchi au sujet des émeutes de Jakarta.
Pour le directeur exécutif d'Amnesty Indonesia, Usman Hamid, la nomination de Sjafrie Sjamsoeddin pourrait nuire aux "efforts en cours pour traiter et enquêter sur les abus passés".
- "Maître de la terreur" -
"Le manque de volonté de l'État après la réforme a fait que Sjafrie Sjamsoeddin et un certain nombre de généraux n'ont pas pu être traînés devant les tribunaux", a déclaré Dimas Bagus Arya, coordinateur de Kontras. "L'élection de Prabowo Subianto a encore renforcé le fait qu'il n'y aurait pas de procès en responsabilité pour les militaires accusés de violations des droits humains".
Le président indonésien a été renvoyé de l'armée à la suite des enlèvements de militants, mais il a nié les allégations et n'a jamais été inculpé.
Avant de devenir ministre de la Défense, Sjafrie Sjamsoeddin a été conseiller de l'ancien président Susilo Bambang Yudhoyono, puis Vice-ministre de la Défense.
"Sa nomination est profondément inquiétante" pour la démocratie, a confié Pat Walsh, défenseur australien des droits qui a conseillé la commission pour l'Accueil, la Vérité et la Réconciliation du Timor-Oriental.
"L'Indonésie avait le choix entre des politiciens et des militaires de qualité, mais elle a malheureusement opté pour l'un des maîtres de la terreur", a-t-il dit.
Le ministère de la Défense n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
A.Al-Mehrazi--DT