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"Dans les magasins Carrefour, les travailleurs ne sont pas traités comme des humains": l'ONG Amnesty a dénoncé dans un rapport contesté par le géant français les conditions des travailleurs migrants sur plusieurs sites en Arabie saoudite, gérés par son important franchisé dubaïote Majid Al Futtaim.
Plus de 60 heures de travail hebdomadaires "en violation" des lois saoudiennes, des heures supplémentaires non payées, des suspicions de "travail forcé" lors d'un jour de congé... Amnesty International, qui avait dénoncé fin 2023 les conditions de travail dans les entrepôts saoudiens du géant américain Amazon, a cette fois enquêté sur les magasins et entrepôts sous enseigne Carrefour dans le royaume.
Dans son rapport publié lundi, l'ONG cite notamment un ex-employé dans un entrepôt, prénommé Anand, qui assure que "dans les magasins Carrefour, les travailleurs ne sont pas traités comme des êtres humains". Les chefs "disent tout le temps +Allez, allez+. Ils agrippent notre T-shirt pour nous faire travailler vite", témoigne-t-il.
Elle a interrogé au total 17 travailleurs originaires du Népal, d'Inde et du Pakistan, employés par des sous-traitants notamment nommés Al-Mutairi et Basmah, pour travailler dans des sites à Ryad, Jeddah et Dammam. La gestion de ces sites est assurée par le franchisé historique (depuis 1995) de Carrefour au Moyen-Orient, Majid Al Futtaim (MAF).
- "Actions correctives" -
Amnesty conclut que ce dernier et Carrefour "ont contribué à et bénéficié d'abus des droits humains, en ayant recours à l'externalisation du travail de migrants sans avoir mis en place les contrôles adéquats ('adequate due diligence')", et sans s'être assurés que leurs sous-traitants "respectent les droits humains".
Carrefour a indiqué vendredi à l'AFP avoir "demandé à (son) partenaire MAF de mener des enquêtes internes auprès de ses salariés et de ses sous-traitants en Arabie Saoudite" à la suite d'un échange avec Amnesty mi-2024.
"Ces premières investigations n'ont pas confirmé les éléments désignés par l'alerte d'Amnesty mais ont révélé d'autres problèmes: de logement, de formation ou de suivi des heures de travail pour lesquels des actions correctives ont été menées", assure le distributeur.
Il indique par ailleurs qu'un expert indépendant a été "missionné" pour enquêter sur "l'ensemble des exigences relatives aux droits de l'Homme". "Nous établissons actuellement avec lui les modalités de son audit".
L'ONG remarque que les deux entreprises ont déjà pris des engagements en la matière. Dans sa documentation financière, Carrefour dit viser "à respecter les droits de l'Homme, et cela tout au long de sa chaîne de valeur", des manquements pouvant "impacter fortement la réputation du groupe".
De son côté Majid Al Futtaim souligne, dans son dernier rapport RSE, son "engagement à respecter les normes les plus élevées en matière de droits de l'Homme et de conditions de travail".
- "Graves manquements" -
L'entreprise basée à Dubaï gère près de 500 magasins sous enseigne Carrefour dans 30 pays du Moyen-Orient, d'Asie et d'Afrique. Il a réalisé en 2023 34,5 milliards de dirhams (AED) de chiffre d'affaires (8,6 milliards d'euros) et 2,7 milliards d'AED de bénéfice net (674 millions d'euros), selon sa documentation financière. L'Arabie saoudite est, en termes de chiffre d'affaires, son plus gros marché en dehors de ses Emirats arabes unis d'origine.
Amnesty les enjoint de revoir leurs procédures internes au sujet des travailleurs migrants pour les secourir "efficacement et rapidement" en cas d'abus.
Contactées par l'AFP, les autorités saoudiennes n'avaient pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire sur le rapport d'Amnesty.
L'ONG avait dénoncé en octobre 2023 le traitement "abominable" de travailleurs migrants dans les entrepôts d'Amazon en Arabie saoudite. En février dernier, l'entreprise avait annoncé avoir remboursé 1,9 million de dollars à plus de 700 travailleurs contractuels en Arabie saoudite, soumis à des frais de recrutement illégaux et d'autres abus.
"L'ampleur et la gravité des violations commises dans les opérations franchisées de Carrefour en Arabie saoudite sont profondément inquiétantes", a réagi auprès de l'AFP Mathias Bolton, responsable de la section commerce de la fédération syndicale internationale UNI Global Union. Il évoque "de graves manquements dans sa surveillance et sa capacité à garantir le respect des conventions fondamentales en matière de droits humains".
W.Zhang--DT