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Le principal opposant en Thaïlande et personnalité politique la plus populaire du pays, Pita Limjaroenrat, risque le bannissement, et son parti prodémocratie la dissolution, dans une affaire jugée mercredi ayant trait à la loi de lèse-majesté, sur fond d'inquiétudes pour la démocratie.
"Nous sommes très confiants (...) Nous pensons que l'Etat de droit existe en Thaïlande", a déclaré le député de 43 ans, dans des propos transmis à l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.
Le chef de file du parti Move Forward (MFP) s'est rendu dans la matinée à l'Assemblée nationale, à Bangkok, pour assister aux débats du jour, "sans aucune tension", a-t-il assuré aux journalistes.
Plus d'un an après une victoire historique aux législatives, sur la promesse d'un programme progressiste rarement vu en Asie du Sud-Est, le charismatique leader a peut-être assisté à sa dernière séance parlementaire avant longtemps.
La Cour constitutionnelle doit se prononcer vers 15H00 (08H00 GMT), dans une affaire qui rappelle deux décennies de crises en Thaïlande, sur fond de divisions tenaces entre les élites militaires et économiques alignées avec le roi et le camp prodémocratie avide de changement.
Move Forward (MFP) est accusé d'avoir voulu renverser la monarchie durant la campagne électorale en proposant une réforme de la loi de lèse-majesté, jugée hors de contrôle et instrumentalisée par le pouvoir pour réprimer les dissidents.
- "33 partis dissous" en 20 ans -
Ces charges sont gravissimes en Thaïlande, où le roi Maha Vajiralongkorn bénéficie d'un statut de quasi-divinité qui le place au-dessus de la mêlée politique.
Le parti s'est défendu de toute manœuvre illégale et a pointé du doigt l'ingérence d'institutions contrôlées par ses adversaires politiques au détriment de l'expression populaire.
Les analystes s'attendent à la dissolution de MFP et au bannissement de ses dirigeants pendant dix ans, une sanction courante dans le royaume pour ceux qui osent défier l'ordre conservateur.
Une telle décision constituerait une nouvelle atteinte aux libertés en Thaïlande, a alerté un groupe de défense des droits humains, dans un contexte de dégradation continue de l'état de la démocratie depuis le coup d'Etat de 2014.
"En principe, la Cour constitutionnelle devrait être utilisée pour défendre la démocratie, et non pour rendre la Thaïlande moins démocratique", a déclaré Pita Limjaroenrat à l'AFP.
"Lors des deux dernières décennies, 33 partis ont été dissous, dont quatre importants qui étaient élus par le peuple. Nous ne devrions pas normaliser ce modèle ou accepter l'utilisation d'un tribunal politisé pour détruire les partis politiques", a-t-il souligné.
La dissolution, en 2020, de Future Forward, l'ancêtre de Move Forward, avait donné lieu à d'importantes manifestations, éteintes par la pandémie et la répression des autorités visant les principales figures du mouvement, en vertu, dans de nombreux cas, de la loi de lèse-majesté.
- Suspense autour du Premier ministre -
L'an dernier, le vote des députés et des sénateurs qui a rejeté la candidature de Pita Limjaroenrat comme Premier ministre, en dépit du soutien d'une coalition majoritaire à l'Assemblée, n'avait pas suscité de fortes contestations dans la rue.
Plus de quatorze millions de Thaïlandais, un résultat inédit en plus de dix ans, ont choisi Move Forward lors des législatives, pour tourner la page d'une quasi-décennie de domination par les militaires issus d'un putsch en 2014, qui a creusé les inégalités et plombé la croissance.
Le mouvement, associé à la couleur orange, est le seul à évoquer le tabou de la lèse-majesté et promettait une nouvelle Constitution, une réduction du budget de l'armée, et la fin de certains monopoles d'entreprises jugées trop puissantes.
Le gouvernement actuel est issu d'une coalition très large, qui s'est formée sous la promesse commune de ne pas toucher à la loi de lèse-majesté. Mais les équilibres sont précaires, et le Premier ministre Srettha Thavisin pourrait être amené à quitter son poste en cas de décision défavorable dans une autre affaire devant la Cour constitutionnelle, jugée le 14 août.
En cas de dissolution, les plusieurs dizaines de députés MFP non-bannis pourront rejoindre un parti existant, passer chez un adversaire ou créer leur propre mouvement.
La Thaïlande, deuxième économie d'Asie du Sud-Est, est connue pour son instabilité chronique, une douzaine de coups d'Etat s'étant produits depuis la fin de la monarchie absolue en 1932.
Y.Chaudhry--DT