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De petits groupes de jeunes en Ouganda ont bravé mardi une interdiction de manifester malgré de nombreux barrages de la police anti-émeute massivement déployée dans la capitale Kampala et l'arrestation de plusieurs figures du mouvement.
Les organisateurs de ces manifestations pour dénoncer la corruption, inspirées par le soulèvement de la jeunesse au Kenya, ont annoncé vouloir marcher en direction du Parlement, dont les alentours ont été bouclés par les forces de l'ordre.
Trois figures du mouvement, George Victor Otieno, Kennedy Ndyamuhaki et Praise Aloikin Opoloje, "ont été arrêtés alors qu'ils marchaient vers le Parlement et emmenés dans un lieu inconnu par la police", a déclaré à l'AFP un de leurs avocats, Ashraf Kwezi, en ajoutant qu'au moins 30 personnes avaient été arrêtées.
Plusieurs manifestants arrêtés par les forces de l'ordre ont notamment crié "Anita must go" (Anita doit partir), en référence à Anita Among, la présidente du Parlement, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Certaines personnes ont défié la directive de la police de ne pas participer à la marche vers le Parlement et ont été sélectionnées pour être interrogées", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police ougandaise Kituuma Rusoke, sans préciser le nombre de personnes arrêtées.
Le président Yoweri Museveni, qui dirige le pays d'Afrique de l'Est d'une main de fer depuis 1986, avait lancé une mise en garde samedi et prévenu les manifestants qu'ils "jouaient avec le feu".
A Kampala, des barrages routiers ont été érigés par la police, tenus par des agents en tenue anti-émeute et boucliers, certains portant des uniformes de camouflage, ont constaté des journalistes de l'AFP. Autour du quartier d'affaires, les rues étaient inhabituellement désertes.
- "Fatigués de la corruption" -
Samson Kiriya a bravé l'interdiction de manifester. Mais il est rapidement interpellé par les forces de l'ordre et conduit à l'arrière d'un véhicule de police. "Nous sommes fatigués de la corruption (...) Kampala est la capitale des nids-de-poule. Mauvaises routes. C'est à cause de la corruption", lance-t-il du fourgon.
Le mouvement, organisé hors de tout cadre politique, a pris forme sur les réseaux sociaux autour du hashtag "StopCorruption" et les rassemblements sont constitués de petits groupes éparpillés, parfois deux personnes, parfois une dizaine.
Lundi, trois députés de la Plateforme d'unité nationale (NUP), principal parti d'opposition, ont été placés en détention provisoire. Le dirigeant du NUP, Bobi Wine, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle de 2021, a apporté son soutien au mouvement.
Les locaux du NUP sont également encerclés par les forces de l'ordre.
La réaction des autorités est "choquante", a réagi auprès de l'AFP Oryem Nyeko, chercheur sur l'Ouganda pour l'ONG Human Rights Watch (HRW). "Le gouvernement ne devrait pas arrêter des gens parce qu'ils critiquent la façon dont le pays est dirigé, mais plutôt les écouter, entendre leurs doléances et prendre les mesures appropriées", a-t-il affirmé.
- Sanctions -
Les organisateurs s'inspirent des manifestations qui secouent depuis plus d'un mois le Kenya voisin. Depuis le 13 juin, des rassemblements y sont organisés contre un projet de budget décrié, finalement retiré par le président William Ruto, mais également contre la corruption. Le 25 juin, le Parlement a été brièvement pris d'assaut et la police a alors tiré à balles réelles.
Selon une organisation officielle de défense des droits humains, au moins 50 personnes ont été tuées au Kenya depuis le début des rassemblements.
En Ouganda, pays dont la population est parmi la plus jeune au monde, avec les trois quarts des habitants âgés de moins de 35 ans selon l'Unicef, les critiques contre la corruption s'inscrivent dans un contexte difficile pour trouver du travail et la liberté d'expression.
Selon l'ONG Transparency International, l'Ouganda, pays pauvre et enclavé de la région des Grands lacs, pointe au 141e rang sur 180 en matière de corruption.
Fin mai, les Etats-Unis ont imposé des sanctions contre cinq haut responsables ougandais, dont Anita Among, en raison d'accusations de corruption ou de violation des droits humains. Kampala avait critiqué cette décision, appelant au respect de sa "souveraineté" et de sa "justice".
Y.Rahma--DT