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L'ex-PDG du distributeur Casino, Jean-Charles Naouri, risque un procès pour corruption et manipulation de cours, soupçonné d'avoir payé l'éditeur de presse Nicolas Miguet pour défendre artificiellement le cours du titre entre 2018 et 2019, ce qu'il conteste, affirmant avoir été victime d'"attaques" de vendeurs à découvert.
Ses avocats, Mes Marie-Alix Canu-Bernard, Nicolas Huc-Morel et Olivier Baratelli, ont dénoncé auprès de l'AFP les "insuffisances graves" des investigations, qui font "curieusement fi (...) des attaques inédites" par des vendeurs à découvert "dont le titre Casino a été l'objet".
Ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile le 9 juillet pour qu'un juge d'instruction enquête sur cette "entreprise titanesque de déstabilisation depuis 2015".
Cette contre-attaque intervient après que deux magistrats du parquet national financier (PNF) ont indiqué envisager, à ce stade, de faire comparaître l'ancien patron du groupe (mars 2005 - mars 2024) devant le tribunal correctionnel de Paris, selon leur note de synthèse, datée du 8 avril et dont l'AFP a eu connaissance jeudi. Ils visent les délits de corruption active, manipulation de cours en bande organisée et complicité de délit d'initié.
Ils entendent également renvoyer en procès l'éditeur de presse et homme politique Nicolas Miguet, plusieurs fois sanctionnés par l'Autorité des marchés financiers (AMF) et la justice, pour corruption passive, manipulation de cours en bande organisée et délit d'initié.
Le PNF pointe une "manipulation de cours orchestrée par Casino" de septembre 2018 à juin 2019, et un "pacte de corruption passé entre Nicolas Miguet et Casino".
- "Calembredaine" -
"Il n'y a aucun délit d'initié", a réagi Nicolas Miguet, joint par l'AFP. "C'est calembredaine de dire qu'on va manipuler des cours. A l'époque, on (le journal qu'il édite, Hebdo Bourseplus, ndlr) avait 4 à 5.000 abonnés".
Trois anciens hauts cadres, proches de M. Naouri, sont aussi dans le viseur des parquetiers. Selon eux, la responsabilité peut également être "imputée" à la société Casino Guichard-Perrachon, vu le "niveau hiérarchique" de ces mis en cause.
Après échanges contradictoires avec les avocats, les délits retenus peuvent évoluer jusqu'à la décision finale, dans plusieurs mois, de l'éventuelle tenue d'un procès.
Sous couvert d'une convention de prestations de conseils, d'un montant de 800.000 euros, Nicolas Miguet aurait utilisé ses publications, audiotels et son réseau pour défendre le cours de l'entreprise, notamment auprès des petits porteurs particuliers. Et ce, sans informer son public de ses liens financiers avec le groupe, selon le ministère public.
A cette époque, Casino était sous le feu d'analystes financiers s'inquiétant du niveau de sa solvabilité et était pressé par les marchés de réduire son endettement. Début septembre 2018, l'action Casino était tombée au plus bas jusqu'alors, autour de 25 euros.
M. Miguet aurait bénéficié d'informations confidentielles et biaisées transmises par des cadres de Casino qui auraient corrigé ses articles avant publication, selon des éléments de l'enquête menée par la brigade financière.
Selon la même source, l'opération a eu un impact "significatif" sur le cours du titre.
La défense de M. Naouri conteste l'analyse des magistrats et soutient que ce sont les attaques des vendeurs à découvert, pariant sur la chute de l'action d'entreprises, notamment Muddy Waters, fondé par Carson Block, qui ont asphyxié le groupe.
Ils ont obtenu l'ouverture d'une enquête au PNF après une plainte pour manipulation de cours et corruption en 2018, et demandent que les investigations soient désormais confiées à un juge d'instruction.
Selon ses avocats, "les fonds vautours, voire des concurrents (...) se sont concertés pour faire régulièrement baisser le cours de l'action Casino depuis 2015".
C'est le vendeur à découvert américain Muddy Waters qui a mis en lumière en 2015 les fragilités d'un groupe très endetté.
En septembre 2023, l'AMF a infligé une amende de 25 millions d'euros à Rallye, maison mère de Casino, pour avoir donné "aux investisseurs une image de sa situation de liquidité plus favorable qu'elle ne l'était réellement" entre mars 2018 et mai 2019. Rallye a déposé un recours.
Casino, qui employait fin 2022 encore 200.000 personnes dans le monde dont 50.000 en France, a connu en 2023 une spectaculaire restructuration de sa dette contractée sous Jean-Charles Naouri.
Le groupe, désormais contrôlé majoritairement par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, emploie à ce jour moins de 30.000 salariés sous les enseignes Monoprix, Franprix ou Vival.
B.Gopalan--DT