AEX
13.6800
Loin du Covid et ses dégustations à distance derrière un écran, les grands châteaux bordelais accueillent depuis lundi des milliers de clients, avec l'ouverture de la saison des primeurs, un système unique de vente de grands crus, crucial pour les affaires du vignoble.
Calepins et stylo dans une main, un verre dans l'autre, des centaines de négociants, courtiers et distributeurs venus d'une soixantaine de pays reniflent, goûtent et recrachent le dernier millésime 2021 des grands crus du vignoble bordelais dans le hall du Hangar 14, une salle d'exposition sur les quais de la Garonne à Bordeaux.
Pour le grand retour des dégustations "grand format" en présentiel, jusqu'à 5.000 clients sont attendus du 25 au 28 avril, une affluence quasiment d'avant pandémie, par l'organisateur de la semaine des primeurs, l’Union des Grands crus de Bordeaux (Ugcb) qui regroupe 130 producteurs.
Selon le modèle unique des primeurs, ces vins testés fin avril seront commercialisés sur sept semaines entre début mai et mi-juin, mais livrés seulement dans 18 à 24 mois. Un système qui permet aux acheteurs de bénéficier de prix avantageux, et aux producteurs d'avoir de la trésorerie et d'éviter les stocks alors que ces vins sont généralement consommables plusieurs années plus tard.
Ces commandes peuvent représenter entre 50 et 100% du chiffres d'affaires des châteaux viticoles participant à l'événement, explique le patron de l'Ugcb Ronan Laborde.
- "Dégustation zoom" -
Après deux ans de "dégustation Zoom", via l'envoi d'échantillons réfrigérés aux quatre coins du monde, "qui a ses limites", "c'est important que les clients voient notre domaine, la sélection qu'on mène. On ne vend pas des patates, mais un produit un peu subjectif, qui a de l'histoire, il faut de l'humain", justifie Miguel Aguirre, directeur technique du Château la Tour-Blanche, dans le Sauternais.
Selon ce gérant, les commandes durant la saison marathon des primeurs devraient représenter l'intégralité de sa production 2021, car les volumes ont été fortement restreint par le gel printanier.
Pour la négociante Alexandra Adamian "échanger avec les propriétés quand on déguste, ça change tout" car "à distance avec un échantillon qui peut tourner en deux secondes, le client qui le reçoit au Japon, il se dit le vin est mauvais et c'est terminé".
Debout sur un stand de dégustation après plusieurs verres de St-Emilion et de Pomerol tournés en bouche, cette co-directrice de la maison Bordeaux Tradition s'attend à un "millésime 2021 équilibré", malgré un climat frais et compliqué, qui sera "plus vite prêt à boire" que les trois années précédentes réputées "trilogie exceptionnelle" dans le bordelais.
Mais pour d'autres acheteurs, comme le négociant bordelais Thibaud Rivière ou le distributeur tchèque Vit Bartosek interrogés dans le hall, les "formats intimistes" avec une rotation de 5-6 testeurs mis en place à l'intérieur de quelques grands châteaux durant la pandémie, permettaient "une meilleur concentration", "plus professionnelle" des acheteurs, plutôt que les dégustations XXL "et leur côté mondain" et "bruyant".
Après cette session "grand format", de mardi à jeudi, plusieurs châteaux du vignoble vont ouvrir leurs portes aux professionnels pour faire découvrir les vins primeurs de 14 appellations, indique M. Laborde qui a également maintenu le dispendieux envoi d'échantillons réfrigérés à certains clients asiatiques, confrontés à une recrudescence de Covid-19.
Cette année, malgré la venue de près de 40% d'acheteurs étrangers, environ 400 clients manquaient à l'appel, la plupart originaire de Chine et d'Asie, concède M. Laborde.
La Chine continentale et Hong Kong restent les premiers importateurs de vins de Bordeaux, avec 616 millions euros d'achat en 2021.
Z.W.Varughese--DT