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Le mollet bandé, Paulo Roberto Heineck s'avance en boitant sur une passerelle flottante. Ce pont provisoire a été installé par l'armée pour rompre l'isolement de localités rurales du sud du Brésil frappées par des inondations dévastatrices.
Le maçon de 54 ans qui s'est fait opérer récemment n'a pas le choix: il doit se rendre chez son médecin. "Tout est plus difficile à présent, mais on doit aller de l'avant", soupire ce père de trois enfants.
Emprunter ces passerelles est le seul moyen de relier les localités voisines de Travesseiro et Marques de Souza, après la destruction de ponts emportés par la crue de la Forqueta, une des rivières qui traversent la vallée de Taquari.
Cette région agricole a été l'une des plus touchées par les inondations sans précédent qui ont dévasté l'Etat du Rio Grande do Sul, faisant près de 170 morts et plusieurs dizaines de disparus.
Au moins six ponts ont été détruits dans cette zone située au nord-ouest de la capitale régionale Porto Alegre, empêchant de nombreux habitants de se déplacer en voiture d'une commune à l'autre, pour travailler, aller à l'école ou chez le médecin.
Pour ne pas être totalement coupés du monde, ils doivent emprunter des passerelles flottantes comme en utilisent les militaires en temps de guerre pour traverser des cours d'eau après le bombardement de ponts.
Mais ces passerelles sont aussi essentielles que précaires: à chaque nouvelle intempérie, elles risquent d'être emportées par le courant, obligeant les autorités à en installer de nouvelles.
- En file indienne -
"Il fallait que la population puisse reprendre ses habitudes le plus vite possible", explique le colonel Rafael Farias, 46 ans. C'est pourquoi l'armée a installé à titre temporaire environ cinq passerelles dans la vallée de Taquari.
Ces ponts métalliques étroits reposent sur des structures flottantes qui ressemblent à des pirogues disposées à quelques mètres l'une de l'autre sur toute la largeur de la rivière.
Pour les emprunter, il faut marcher en file indienne et le port du gilet de sauvetage - distribué par des militaires postés sur chaque rive - est obligatoire.
Juliani Steffer, vendeuse de vêtements de 36 ans, arrive essoufflée sur l'autre rive, après avoir transporté un sac plein de marchandises.
"Les gens ont perdu beaucoup de vêtements. Comme ils ne peuvent pas venir à ma boutique en voiture, je vais chez eux", raconte-t-elle.
Faute d'éclairage, la passerelle doit fermer dès la tombée du jour, ce qui oblige les résidents à rentrer tôt pour ne pas risquer d'être bloqués sur l'autre rive.
Et la traversée est parfois tout bonnement impossible: la passerelle qu'empruntent Paulo Roberto Heineck et Juliani Steffer pour relier Travesseiro à Marques de Souza a dû être retirée deux fois, la dernière mardi, en raison d'un fort courant.
- Mobilisation -
Un problème similaire a touché deux autres passerelles importantes, installées côte à côte pour relier les localités d'Arroio do Meio et Lajeado, la plus grande ville de la vallée de Taquari, avec ses 90.000 habitants.
Des milliers d'automobilistes avaient pris l'habitude de se garer de part et d'autre pour accéder à la commune voisine à pied.
Mais ces passerelles ont été endommagées le 23 mai par de violentes précipitations. De nouvelles passerelles ont commencé à être installées mercredi, a indiqué l'armée à l'AFP.
En attendant, les habitants ont dû traverser la rivière à bord de bateaux mis à disposition par les militaires et des bénévoles, transportant seulement 25 personnes par voyage.
Les passerelles flottantes "sont fondamentales, car Arroio do Meio ne vit pas sans Lajeado et vice versa", juge Marta Rosani da Silva, balayeuse des rues de 41 ans qui attend de faire la traversée avec son enfant.
Elle espère que les ponts pour les voitures seront bientôt reconstruits. "Avant, on mettait une heure pour se rendre au travail, maintenant cela prend trois heures".
Le gouvernement fédéral a promis de financer la reconstruction des ponts, mais les habitants sont mobilisés pour obtenir des fonds complémentaires auprès du secteur privé.
Pour le pont de Travesseiro, le coût estimé s'élève à 10 millions de réais (environ 1,8 million d'euros). "Les autorités nous ont promis quatre millions, il en manque encore six", calcule Cristina Lammers, 44 ans, entrepreneuse dans l'agro-alimentaire.
G.Gopinath--DT