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Avec Michael Cohen, l'ex-avocat personnel de Donald Trump, on se retrouve immédiatement plongé dans l'ambiance d'un feuilleton télévisé sur les milieux troubles de New York, où experts en combines et juristes peu regardants font des affaires juteuses.
Au côté de l'actrice de films X Stormy Daniels, l'homme de 57 ans est le témoin phare du procès du milliardaire, au tribunal de Manhattan où il est arrivé lundi sans s'exprimer.
Le New-Yorkais aux cheveux poivre et sel pourrait aussi figurer dans un film de Martin Scorsese, qui sait si bien dépeindre le machisme des puissants, les serments d'allégeance, la porosité entre la pègre et les élus.
Comme le réalisateur de "Taxi Driver", Michael Cohen s'est intéressé aux fameux taxis jaunes, investissant avec sa femme ukrainienne dans des licences qui à une époque valaient une fortune.
Et comme le chauffeur joué par Robert de Niro, serinant devant son miroir "You talkin' to me?", l'avocat a un ton sec et tranchant, sur fond d'accent de Long Island.
"Qui c'est qui le dit ?" a-t-il un jour cinglé à l'endroit d'une journaliste de CNN, lui coupant abruptement la parole à propos de sondages défavorables à son employeur.
- "Pitbull" -
Longtemps M. Cohen fut un fidèle parmi les fidèles de Donald Trump, allant jusqu'à être présenté ironiquement comme le sixième enfant du magnat de l'immobilier. Il confie alors être prêt à prendre une balle à la place du grand patron.
"Si quelqu'un fait quelque chose qui ne plaît pas à Trump", dit-il en 2011 à la télévision, "je vais vous attraper, vous saisir au collet, et je ne vous lâcherai plus tant que je n'aurai pas fini".
D'où le surnom de "pitbull" accolé à cet amateur de belles voitures et des condominiums cossus de la Trump Organization où il a investi, convainquant même ses parents et beaux-parents de l'imiter.
Moyennant 500.000 dollars de salaire annuel, le juriste se charge des sales besognes. Comme menacer les journalistes qui s'intéressent aux côtés sombres du milliardaire devenu vedette de téléréalité.
Ou encore verser 130.000 dollars à Stormy Daniels, en échange de son silence sur une relation sexuelle présumée avec son mentor. De telles clauses de confidentialité sont devenues une quasi-marque de fabrique pour M. Cohen, qui a ainsi protégé d'autres nababs sur la sellette.
- Du Queens... à la Ve Avenue -
Mais, avant les halls dorés de Manhattan, M. Cohen a connu un quartier d'entrepôts moins reluisant dans le Queens.
Selon une enquête de ProPublica, "beaucoup de gens qui ont croisé la route de Cohen quand il travaillait dans le Queens ou à Brooklyn ont été sanctionnés, radiés du barreau, accusés ou condamnés pour des délits".
De fait, son début de carrière évoque le personnage fictif de Saul Goodman, l'avocat hâbleur, sans envergure et semi-véreux des séries "Breaking Bad" et "Better Call Saul", auquel on le compare.
Aux Etats-Unis, certains avocats sont surnommés les "chasseurs d'ambulance", du fait de leur rapidité à offrir leurs services aux victimes de tout poil. Michael Cohen en est un.
Dans une affaire que n'aurait pas reniée l'opportuniste Saul, il défend un jour une femme impliquée dans une arnaque à l'assurance fondée sur un accident de la route bidon.
Effectués parallèlement, ses investissements personnels évoquent ceux de Donald Trump, même s'ils remontent à avant leur rencontre: le juriste fait des placements dans l'immobilier, des croisières casino, une boîte de nuit. Il tâte aussi de la politique.
Comme Saul, Michael Cohen sait emprunter les sentiers du para-légal, user de tactiques d'intimidation, éviter un procès en déboursant de l'argent.
Le juriste avait auparavant suivi les cours de la faculté de droit Thomas Cooley, dans l'Etat du Michigan, qui a la réputation d'être la pire des Etats-Unis. Le patron du premier cabinet qui l'a employé a été accusé d'escroquerie.
- Retournement -
Et pourtant. De l'homme qui fait disparaître les problèmes, Michael Cohen va brutalement devenir le problème n°1 de Donald Trump pendant son mandat présidentiel.
Ce tournant, en 2018, est précipité par la fameuse enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l'ingérence russe. Son bureau perquisitionné par les limiers du FBI, visé par de multiples accusations de fraudes, l'avocat se sent "lâché" par son mentor.
Condamné à trois ans de prison, une peine qu'il purge essentiellement confiné à domicile, Michael Cohen se dit prêt à coopérer avec les procureurs. Un revirement qui culmine avec le procès actuel à Manhattan. Pour Donald Trump, son ancien homme de confiance n'est plus qu'un "menteur" et une "balance".
O.Mehta--DT