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Le Parlement géorgien a adopté mardi le projet de loi controversé sur l'"influence étrangère", malgré des manifestations d'ampleur contre un texte qui, selon ses détracteurs, est calqué sur une loi russe et détourne ce pays du Caucase de l'Europe pour l'entraîner vers Moscou.
Lors d'un examen en troisième et dernière lecture, les députés ont voté à 84 voix "pour" et à 30 voix "contre", selon des images retransmises à la télévision publique.
Signe de la tension ambiante, des élus de la majorité et de l'opposition se sont brièvement affrontés à coups de poing lors des débats. Des bagarres similaires s'étaient déjà produites ces dernières semaines.
Devant le Parlement, des centaines de manifestants, principalement des jeunes, sont toujours réunis en milieu d'après-midi, encadrés par une importante présence policière, selon une correspondante de l'AFP sur place.
"Nous manifesterons jusqu'à ce que ce gouvernement russe quitte notre pays !", a juré Salomé, une manifestante de 20 ans, juste après le vote.
Ses détracteurs ont surnommée le texte la "loi russe" en raison de sa similitude avec une législation adoptée en Russie pour réprimer l'opposition. La référence est particulièrement sensible en Géorgie, pays qui balance entre les sphères d'influence russe et européenne et a été envahi par Moscou lors d'une intervention militaire en 2008.
Alors que les forces de l'ordre ont, lors de certains rassemblements, utilisé des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène, l'adoption du projet de loi pourrait entraîner de nouveaux heurts.
- "Obstacle" vers l'UE -
En 2023, les manifestations massives avaient forcé le parti du "Rêve géorgien" au pouvoir à abandonner une première mouture de ce texte. Mais, cette fois, malgré plus d'un mois de protestations, les députés de la majorité sont passés outre.
La loi doit imposer à toute ONG ou média recevant plus de 20% de son financement de l'étranger de s'enregistrer en tant qu'"organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère".
Le gouvernement assure que sa loi vise simplement à obliger les organisations à faire preuve de davantage de "transparence" sur leurs financements. Ses détracteurs y voient la preuve d'un nouveau tour de vis, à même de condamner l'ambition de rejoindre un jour l'UE.
La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, une pro-européenne et ancienne diplomate française en conflit ouvert avec le gouvernement, devrait mettre son veto au texte voté, mais le "Rêve géorgien" assure avoir assez de voix pour passer outre.
En dépit des tensions, le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzé avait promis que le Parlement voterait la loi mardi, faisant fi des appels de la rue et des critiques formulées par les États-Unis et l'Union européenne.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui salué "la ferme volonté des dirigeants géorgiens de protéger leur pays contre toute ingérence flagrante dans ses affaires".
- "Renier" le progrès -
"Ces gens ne nous écoutent pas", s’agaçait dans la foule Mariam Javakhichvili, manifestante de 34 ans venue avec son jeune fils.
"Ils essaient de renier les dernières 30 années" de progrès, soit le chemin parcouru depuis la chute de l'URSS, a-t-elle dit. "Je ne veux pas laisser faire cela, pour mon fils."
"On avait 5 ans quand la guerre avec la Russie s'est produite, on en garde de mauvais souvenir d'enfance", raconte Marta Doborianidzé, une autre manifestante âgée de 20 ans.
La controverse autour de ce texte met aussi en lumière l'influence de Bidzina Ivanichvili, homme d'affaires richissime perçu comme le dirigeant de l'ombre de la Géorgie.
Premier ministre de 2012 à 2013 et aujourd'hui président honoraire du "Rêve géorgien", il est soupçonné de proximité avec la Russie, pays où il a fait fortune.
Même s'il assure vouloir faire entrer la Géorgie dans l'UE, il a récemment fait des déclarations hostiles à l'Occident et voit les ONG comme un ennemi de l'intérieur.
Le moment est particulièrement sensible en Géorgie, où se tiendront en octobre des élections législatives vues comme un important test pour les responsables actuels.
Pour certains manifestants, le but ultime est de déloger du pouvoir le "Rêve géorgien", en place depuis 2012.
J.Alaqanone--DT