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Un influent chef de gang haïtien a menacé mardi d'une "guerre civile" sanglante si le Premier ministre contesté Ariel Henry restait au pouvoir, alors que le petit pays pauvre des Caraïbes est en proie à de fortes violences.
Les gangs, qui contrôlent des pans entiers d'Haïti et de la capitale, ont annoncé la semaine dernière se liguer contre le gouvernement et mènent depuis des attaques contre des infrastructures et des sites stratégiques, profitant d'un voyage à l'étranger du Premier ministre, très contesté.
"Si Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, nous allons nous tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide", a menacé mardi Jimmy Chérizier, surnommé "Barbecue", lors d'une interview à la presse.
Selon l'ONU, qui l'a placé sous régime de sanctions, cet ancien policier de 46 ans, est l'un des chefs de gangs les plus influents, et dirige une alliance de bandes armées surnommée "la famille G9" et ses alliés.
Ces gangs appellent à renverser Ariel Henry, au pouvoir depuis l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, et qui aurait dû quitter ses fonctions début février.
"Nous devons nous unir. Soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit un enfer pour nous tous", a clamé M. Chérizier, équipé d'un gilet pare-balles et portant une arme et entouré d'hommes cagoulés.
La capitale haïtienne Port-au-Prince est sous état d'urgence et couvre-feu depuis dimanche, après la libération par des bandes armées de milliers de détenus.
- Retour compliqué -
Le Premier ministre s'est rendu à Nairobi la semaine dernière afin de signer un accord pour l'envoi de policiers kényans en Haïti dans le cadre d'une mission internationale soutenue par l'ONU et les Etats-Unis.
Il "a atterri à Porto Rico" mardi, a déclaré dans la soirée la porte-parole du gouvernement de Porto Rico, Sheila Anglero, à l'AFP par téléphone. Elle a précisé alors ne pas savoir s'il se trouvait toujours sur l'île.
Le département d'Etat américain avait annoncé lundi qu'Ariel Henry était sur la route du retour pour Port-au-Prince. Mais d'après le média haïtien Radio Télé Métronome, il n'avait pas pu atterrir dans la capitale en raison de problèmes de sécurité à l'aéroport.
Selon le média dominicain CDN, l'avion privé du Premier ministre, en partance de l'Etat américain du New Jersey, a atterri à Porto Rico après s'être vu refuser un atterrissage en République dominicaine, pays voisin d'Haïti. Les relations sont tendues entre les deux pays.
Les troubles ont conduit les compagnies aériennes internationales à annuler tous les vols à destination de Port-au-Prince.
Cette nouvelle "escalade" des violences a forcé quelque 15.000 personnes à fuir leur domicile à Port-au-Prince, a dit mardi à New York le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric, précisant que les humanitaires avaient commencé à distribuer nourriture et autres produits de première nécessité sur trois nouveaux sites de déplacés.
Des gangs ont attaqué mardi l'académie de police de la capitale haïtienne, après avoir tenté la veille de s'emparer de l'aéroport international Toussaint-Louverture.
Plusieurs personnes armées ont pris d'assaut un commissariat de police près de l'aéroport et l'ont incendié, selon un coordonnateur du Syndicat national de policiers haïtiens (Synapoha).
Toutefois, la capitale a semblé mardi reprendre malgré tout un semblant d'activité, avec des commerces ouverts dans le quartier Delmas et des habitants vaquant à leurs occupations, selon des images de l'AFP.
- Impasse totale -
Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, est confronté à une profonde crise politique, humanitaire et sécuritaire aggravée par l'assassinat de Jovenel Moïse, avec un processus politique dans l'impasse totale.
Selon l'ONU, plus de 8.400 personnes ont été victimes de la violence des gangs l'année dernière, ayant été tuées, blessées ou enlevées, "une augmentation de 122% par rapport à 2022".
Reconnaissant les exactions commises par des membres de gang, le chef "Barbecue" a appelé mardi la société à aller de l'avant: "oui, nous sommes conscients que les hommes armés ont commis des actes nuisibles à la société, mais (...) je pense que la société doit leur pardonner et s'unir pour repenser une nouvelle Haïti", a-t-il ainsi déclaré.
Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira mercredi à huis clos sur le sujet, selon le programme du Conseil. Maria Isabel Salvador, représentante des Nations unies en Haïti, leur fera à distance un point sur la situation.
G.Gopalakrishnan--DT