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Quatre ministres japonais ont démissionné jeudi, au lendemain de l'annonce du Premier ministre Fumio Kishida de sa volonté de faire face à un vaste scandale de fraude financière au sein de son parti qui rend sa situation politique encore plus délicate.
"J'ai présenté ma démission au Premier ministre", a déclaré jeudi matin le bras droit de M. Kishida, le secrétaire général et porte-parole du gouvernement Hirokazu Matsuno, en évoquant les soupçons dont il fait lui-même l'objet.
Le ministre de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie Yasutoshi Nishimura, le ministre des Affaires intérieures Junji Suzuki et le ministre de l'Agriculture Ichiro Miyashita ont aussi remis leur démission, ainsi que cinq vice-ministres et et d'autres responsables.
D'après la presse japonaise, des procureurs enquêtent sur des soupçons de fraudes visant des dizaines de membres du Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) dirigé par M. Kishida, une formation politique qui gouverne le pays presque sans interruption depuis sa fondation en 1955.
Ces membres du PLD sont soupçonnés, selon plusieurs médias, d'avoir omis de déclarer l'équivalent de plusieurs millions d'euros, récoltés via la vente de billets pour des soirées de levées de fonds et que le parti leur aurait ensuite reversé.
Les enquêteurs s'intéresseraient en particulier aux membres de la plus importante faction interne du parti que dirigeait l'ancien Premier ministre Shinzo Abe, assassiné l'an dernier. Ils auraient reçu quelque 500 millions de yens (3,2 millions d'euros) sur une période de cinq ans jusqu'en 2022.
- Impopulaire "boule de feu" -
Jugeant "extrêmement regrettable que la situation ait suscité la défiance de la population", M. Kishida, 66 ans, a promis mercredi de se "muer en boule de feu pour restaurer la confiance dans le gouvernement", annonçant vouloir "procéder rapidement" à de nouvelles nominations jeudi.
Cette affaire a encore "considérablement affaibli le soutien public envers le PLD et le gouvernement Kishida", estime Naofumi Fujimura, professeur de sciences politiques à l'université de Kobe (Ouest).
Le Premier ministre arrivé au pouvoir à l'automne 2021, déjà impopulaire avant la révélation progressive par les médias de ce nouveau scandale depuis plusieurs semaines, n'est ainsi plus soutenu que par 17,1% des électeurs selon un sondage diffusé jeudi par l'agence de presse Jiji.
Les électeurs "expriment leur inquiétude face au scandale et au manque perçu de responsabilité des dirigeants politiques". Mais il est cependant peu probable que cela résulte en un changement politique au Japon vu la faible popularité des partis politiques d'opposition, selon M. Fujimura.
Tous les ministres qui doivent être remplacés appartiennent à la "faction Abe", même si le scandale toucherait également des membres du groupe de M. Kishida, selon des médias locaux.
- Puissante faction Abe -
Les factions du PLD, héritées des partis qui ont fusionné pour lui donner naissance, sont des coalitions internes organisées autour de figures charismatiques qui attirent des membres en leur promettant soutiens électoraux et postes ministériels.
Aucune n'égale en puissance la faction Abe, même un an et demi après la mort de l'ex-dirigeant: "sa force réside dans le nombre considérable de ses membres" (99), explique M. Fujimura, selon qui "cette supériorité numérique lui a permis d'exercer une influence significative sur la sélection du Premier ministre et le maintien du gouvernement".
En évinçant ses membres, M. Kishida court le risque de perdre le soutien de l'influente faction Abe et "cette rupture pourrait compliquer la gestion" du gouvernement, ajoute ce spécialiste de la politique japonaise.
Avant même ce scandale, la cote de popularité de M. Kishida était déjà plombée par d'autres sujets de mécontentement des Japonais, dont l'inflation persistante et la baisse du yen qui fragilisent le pouvoir d'achat des ménages, malgré son annonce le mois dernier d'un nouveau plan de relance budgétaire massif.
Le Premier ministre peut théoriquement rester au pouvoir jusqu'en 2025, mais certains analystes spéculent sur la possible convocation d'élections anticipées avant un vote interne au PLD l'an prochain qui pourrait s'annoncer très difficile pour lui.
C.Masood--DT